Plutôt rétif à la technologie hybride, Nissan fait contre mauvaise fortune bon coeur et décide de «s'investir» dans ce domaine au vu de la forte demande aux États-Unis et au Japon. L'Altima est la première à en bénéficier. Mais, à la lumière de cet essai, le coeur n'y est manifestement pas.

Le grand patron de Nissan, Carlos Ghosn, n'a jamais caché son manque d'enthousiasme à l'égard de la technologie hybride. Dans un entretien accordé à La Presse en marge du Salon automobile de Tokyo 2005, il soutenait: «La technologie hybride n'est peut-être pas si efficace qu'on le dit, et je ne pense pas que ce soit la solution à tous les problèmes de l'industrie.»

Néanmoins, par prudence industrielle, Nissan avait signé en 2002 un accord de coopération avec son concurrent Toyota, le pionnier de l'hybride, afin de mettre au point l'Altima Hybrid. Une solution intérimaire en quelque sorte, puisque le constructeur japonais a déjà indiqué son intention de proposer sa propre motorisation hybride (type «plug-in») d'ici 2010.

Qu'adviendra-t-il alors de l'entente de coopération avec Toyota et de l'Altima Hybrid? Nissan ne devrait finalement recourir à la technologie hybride de Toyota que pour les 100 000 Altima Hybrid qu'elle compte assembler. Après, ce sera terminé. Le constructeur a d'ailleurs déjà annoncé la création d'une coentreprise avec le conglomérat électronique japonais NEC, dont l'ambition est de devenir le numéro un mondial des batteries lithium-ion destinées à équiper dès 2010 des véhicules hybrides, mais aussi 100% électriques.

Autre preuve du peu d'engouement de Nissan à l'égard de son premier modèle hybride: le prix. Mais Carlos Ghosn nous avait prévenus: «Les voitures à moteur hybride ne rapporteront pas grand-chose parce qu'elles sont trop chères à construire, mais nous en lancerons quand même une pour nous conformer à la réglementation californienne.»

Proposée à 33 998$, cette Altima verte n'est effectivement pas bon marché. Ses principales concurrentes se détaillent toutes sous la barre des 30 000$. Bien entendu, ce prix plus élevé se justifie en partie par un équipement plus complet (baquets chauffants, toit ouvrant et moulures protectrices pour ne nommer que ces trois accessoires), mais n'aurait-il pas mieux valu laisser au consommateur le choix de s'en prévaloir?

Hormis quelques écussons épinglés ici et là pour rappeler sa mission écolo, cette Altima ressemble en tous points aux versions «régulières». Ce qui n'est pas sans nous déplaire dans la mesure où, sur le plan visuel, cette Nissan a toujours cultivé une certaine différence face à ses rivales et que, par-dessus tout, elle apporte un soupçon d'audace dans une catégorie habituellement frileuse.

Présentation moderne

À bord, la Nissan reprend à peu de choses près la présentation intérieure des versions régulières. Moderne (démarrage sans clé), cet habitacle est d'une présentation très soignée. L'assemblage en est rigoureux et les accostages précis.

 

Les quelques clins d'oeil rétro demeurent, comme les trois gros compteurs ronds «encapsulés» dans le tableau de bord qui rappelleront des souvenirs à ceux qui, dans les années 70, étaient propriétaires d'automobiles japonaises. Bref, on se sent bien dans cette Nissan. La position de conduite est agréable (de série, la colonne de direction est inclinable et télescopique), les sièges et la banquette sont fermes mais confortables, et les diverses commandes aussi ergonomiques que fonctionnelles.

 

Au chapitre de l'habitabilité, l'Altima se tire bien d'affaire dans l'ensemble mais, en matière de dégagement, elle concède plusieurs dizaines de millimètres à la concurrence, notamment aux places arrière. Néanmoins, quatre adultes y seront confortables. Dans le coffre, il faudra composer avec la quincaillerie hybride (les batteries) qui, non seulement, raccourcit considérablement l'espace utile, mais empêche aussi toute modularité. Seul motif de satisfaction: son accessibilité en raison d'un seuil de chargement peu élevé.

 

Mise au point incomplète?

En acquérant la licence d'exploitation du système hybride de Toyota, Nissan a-t-elle aussi obtenu le mode d'emploi? La question se pose, puisque la transition entre le moteur électrique et le moteur à essence nous est apparue beaucoup moins fluide sur l'Altima que sur une Camry. En fait, on a parfois l'impression qu'un moteur cherche à étrangler l'autre, tellement le passage entre les deux se fait abruptement. Ce manque de souplesse est attribuable sans doute à une gestion électronique moins sophistiquée. Hormis cette liaison difficile, le moteur à essence -un quatre cylindres de 2,5 litres- demeure toujours aussi débordant de caractère. Il signe, avec l'aide du moteur électrique, des performances (accélérations et reprises) très convaincantes. On lui reprochera seulement ses gémissements bruyants lors de fortes accélérations.

Le système hybride de l'Altima parvient à réduire considérablement sa consommation d'essence. En ville surtout, où l'écart entre la version hybride et la version conventionnelle est de l'ordre de 29%. Il convient d'ajouter une réduction tout aussi importante des émissions de gaz à effet de serre. Les gains sont toutefois moins significatifs sur les voies rapides.

Les principales critiques que l'on puisse adresser à cette Nissan touchent principalement une suspension qui risque de paraître un peu ferme sur nos routes défoncées, une direction un brin légère et un freinage, au demeurant puissant, difficile à moduler et exigeant une certaine accoutumance.

Le bilan est, vous l'aurez compris, fort mitigé. Le prix peu attrayant de l'Altima Hybrid en dépit des remises gouvernementales (1500$ du fédéral et crédit de TVQ du provincial), de même que son intégration un peu légère, font douter de l'intérêt du constructeur japonais à vouloir imposer ce modèle né d'un partenariat forcé.