Jacques Saoutchik, un ébéniste d'origine russe, ouvre un atelier de carrosserie à Neuilly, dans la banlieue de Paris. Nous sommes en 1906 et sa première création est réalisée sur châssis Isotta-Fraschini. Dès 1920, Saoutchik se hisse au niveau des meilleurs carrossiers d'Europe, et parmi ses clients figure un nombre impressionnant de têtes couronnées, les rois du Cambodge, du Siam, d'Égypte et de Norvège, l'empereur d'Éthiopie et le shah d'Iran.

Jacques Saoutchik

Jacques Saoutchik, un ébéniste d'origine russe, ouvre un atelier de carrosserie à Neuilly, dans la banlieue de Paris. Nous sommes en 1906 et sa première création est réalisée sur châssis Isotta-Fraschini. Dès 1920, Saoutchik se hisse au niveau des meilleurs carrossiers d'Europe, et parmi ses clients figure un nombre impressionnant de têtes couronnées, les rois du Cambodge, du Siam, d'Égypte et de Norvège, l'empereur d'Éthiopie et le shah d'Iran.

Pendant plusieurs années, les remarquables «transformables», cabriolets, coupés et voitures de ville signés Jacques Saoutchik, représentent le summum du chic parisien et récoltent une panoplie de trophées aux concours d'élégance qui se tiennent à Paris et dans les centres de villégiature courus de la côte de l'Atlantique et de la Côte d'Azur.

Rappelons qu'à cette époque-là, le bois prenait une place importante dans les structures des véhicules automobiles, et les compétences d'ébéniste de Saoutchik lui procuraient un avantage indéniable et une réputation enviable de qualité.

À l'instar de Figoni et Falaschi, ses contemporains parisiens, Saoutchik a survécu à la Grande Dépression; l'après-Deuxième Guerre mondiale lui a toutefois porté un coup fatal, de même qu'à la plupart des couturiers de l'automobile. En fait, sur les 57 carrossiers présents au Salon de Londres en 1929, on n'en retrouvait que 13 en 1959. L'âge d'or de l'automobile de luxe tirait bel et bien à sa fin.

Reverrons-nous un jour la renaissance de l'automobile exclusive habillée sur commande? C'est peu probable dans le contexte actuel. Mais réjouissons-nous qu'il subsiste quelques magnifiques exemplaires de beautés mobiles, soigneusement restaurées dans leur splendeur d'antan et fièrement exposées par leurs heureux propriétaires. Merci, messieurs, dames, de nous rappeler que l'automobile peut être aussi symbole de beauté.

Joseph Figoni

Né en 1894 à Piacenza, en Italie, Giuseppe Figoni n'a que 3 ans quand sa famille s'installe à Paris. Lorsqu'il crée Carrosserie Automobile, à Boulogne-sur-Seine, il se démarque déjà par son goût pour les formes fuyantes. En 1935, il s'associe à Ovidio Falaschi, un autre expatrié italien amoureux de design et disposant des fonds nécessaires pour assurer l'expansion de l'entreprise.

Ensemble, Figoni et Falaschi habillent la Delahaye Type 135, qui se distingue par ses imposantes ailes enveloppantes. À cette merveille roulante viennent s'ajouter de nombreuses autres créations, la plus célèbre étant sans doute la fameuse «goutte d'eau», la Talbot-Lago T150SS, l'une des vedettes de Beauté mobile, l'exposition présentée en 1995 par le Musée des beaux-arts de Montréal.

Lors de l'occupation de la France par les Allemands, les ateliers de Figoni et Falaschi sont réquisitionnés pour la fabrication de pièces d'avion. À la fin de la guerre, l'entreprise reprend ses activités et son modèle fétiche, la Delahaye T135. Mais en ces lendemains de conflit, la clientèle fortunée se fait rare et les constructeurs, fortement encouragés par le gouvernement, se consacrent à la production en grande série, comme aux États-Unis. Si la grande série fait le bonheur des Renault, Peugeot et Citroën, elle s'avère fatale pour plusieurs petits constructeurs artisanaux. Du même coup, le nombre de châssis nus convenant à un habillage exclusif diminue rapidement.

Voyant venir la fin de l'automobile «sur commande», Ovidio Falaschi prend sa retraite en 1950, tandis que Figoni et son fils Claude poursuivent leurs activités, travaillant tour à tour à habiller quelques châssis de Simca, Bentley et Citroën. Mais la magie n'y est plus et l'atelier ferme ses portes en 1955.

En près de 30 ans, Joseph Figoni et Ovidio Falaschi ont créé quelque 1150 carrosseries. C'est moins qu'une seule journée de production d'un géant moderne tel que General Motors; mais si les unes sont de passage, les autres orneront encore longtemps les musées et les collections privées.

Mais connaissiez-vous Chapron, Figoni, Franay, Guilloré ou Pourtout? Des noms jadis célèbres, aujourd'hui disparus de l'actualité, mais dont les «beautés mobiles» continuent d'agrémenter quelques collections privées et d'émerveiller les amateurs de belles choses.

De nos jours, quand on parle design automobile, on pense aux grands studios italiens; à Harley Earl, qui a si fortement marqué le design américain dans les années 50 et 60; ou à son compatriote Chris Bangle, qui règne sur le style parfois controversé de BMW. Mais on ne pense pas spontanément au design lorsqu'on évoque l'automobile française des 50 dernières années à l'exception peut-être de la Citroën DS, née en 1955 de l'imagination du sculpteur et designer Flaminio Bertoni.

Les carrosses au style flamboyant et aux dimensions démesurées qui accompagnent ce texte ornaient entre les deux grandes guerres certains quartiers chics de Paris ou de la Côte d'Azur. Entre ces créations extravagantes et les bien modestes Renault 4 et Citroën 2CV apparues par la suite, il y a plusieurs années-lumière et... la Deuxième Guerre mondiale.

Les années folles

Durant ces «années folles» que furent les décennies 20 à 40, l'automobile a connu en Europe (et en Amérique) ce que certains ont appelé l'âge d'or. L'automobile était toutefois réservée à une élite fortunée capable de s'offrir des Delage, Delahaye et autres Bugatti habillées (le mot est juste) par des carrossiers rivalisant de créativité et de talent. Le parallèle avec la haute couture féminine est inévitable, et c'est d'ailleurs ce qui explique la collaboration qui se tissait entre ces carrossiers de renom et les grands de la mode.

De ces grands couturiers de l'automobile, nous en avons retenu deux, dont les oeuvres vous sont présentées ici.