Les séries télévisées françaises se vendent désormais sur les marchés anglo-saxons, mais restent handicapées par la langue et le faible nombre d'épisodes produits, ont jugé les professionnels du secteur récemment réunis à Londres lors du festival de séries TV Totally Serialized.

En 2011, la France a vendu ou prévendu pour 38,8 millions d'euros (52,8 millions de dollars) de fictions à l'étranger (en hausse de 39,5 % par rapport à 2010), dont 12,3 M en Italie, «premier marché à international» et 7,4 M au Royaume-Uni, selon le Centre national du cinéma (CNC).

Si, pendant longtemps, les séries françaises «manquaient de rythme et offraient des univers complètement déconnectés du réel», aujourd'hui, elles «intéressent les acheteurs étrangers», a indiqué à l'AFP Mathieu Béjot, directeur de TV France international (TVFI), l'organisme chargé d'aider les professionnels de la télévision à vendre leurs programmes à l'étranger.

Le renouveau de la création française dérive d'un changement des mentalités lié à l'arrivée en masse des séries américaines sur les écrans français, de la multiplication des chaînes thématiques en demande de programmes originaux, et d'un «effet Canal+».

«Canal+ s'est lancé depuis huit ans - un peu tard selon nous - dans une politique assez ambitieuse sur les séries. Sur Canal+, on paye pour être surpris, dérangé, c'est donc dans leur ADN d'offrir des séries qu'on ne voit nulle part ailleurs», a-t-il détaillé.

Avec cette impulsion, les séries tricolores «sont devenues plus inventives», confirme Lorraine Sullivan, directrice du festival Totally Serialized organisé par l'Institut français de Londres.

BBC4 a ainsi acheté en 2006 la série Engrenages, une création originale de Canal+. Le précédent feuilleton vendu en Grande-Bretagne était Belle et Sébastien... en 1967.

Rebaptisée Spiral, la série qui traite du monde policier et judiciaire parisien comptait en 2011 500 000 fidèles sur BBC4, une audience presque deux fois supérieure à la moyenne des «prime times» de la chaîne, se félicitait TVFI.

Visible également aux États-Unis sur la plateforme Netflix, cette série a ouvert la voie à l'achat par la chaîne britannique FX de Braquo (également vendue à la plateforme américaine Hulu) et de la minisérie Mesrine. Maison Close, qui relate la vie des prostituées à Paris à la fin du XXe siècle, a été achetée par Sky Art sous le nom de Hard.

Des ventes qui «rapportent peu» mais ont permis de «percer sur un marché extrêmement prescripteur, facilitant les ventes dans d'autres territoires», fait valoir TVFI.

En effet, au Royaume-Uni, une chaîne britannique peut acheter la série complète Les Revenants (8x52 min) pour moins de 80 000 euros quand un épisode a coûté près de 1,4 million d'euros à produire, a expliqué à l'AFP Alexandre Piel, de la société Zodiak qui distribue à l'étranger cette nouvelle série de Canal+ ayant fait sensation en France.

Ces ventes restent aussi handicapées par la langue, car à Londres comme outre-Atlantique, «on n'aime pas le doublage, ni le sous-titrage», note Mathieu Béjot.

Aux États-Unis, l'attrait croissant pour les séries Made in France s'est ainsi d'abord traduit par la vente des droits de remake d'«une dizaine de séries françaises» dont Engrenages, Braquo, Pigalle la nuit, Mafiosa, ou Les hommes de l'ombre, la minisérie phénomène de France 2.

Des coproductions internationales, à initiative française mais tournées en anglais, se sont également multipliées avec notamment Borgia ou Le Tunnel pour Canal+, Jo pour TF1 ou Le Transporteur pour M6.

Autre difficulté, une série française compte huit à douze épisodes par saison, tous les deux ans, quand une série américaine offre une nouvelle saison chaque année pouvant contenir jusqu'à 22 épisodes. Un problème lié au manque de «scénaristes expérimentés», selon Dominique Jubin, directrice adjointe de la fiction de Canal+ «C'est dur de faire patienter une audience pendant deux ans. Avec plus de volume, les clients étrangers achèteraient plus facilement», explique Alexandre Piel, de Zodiak.