Son nom ne vous dit peut-être rien, mais le rappeur tunisien Hamada Ben Amor, alias El Général, occupe la 74e position du classement des 100 personnalités les plus influentes du monde du Time Magazine en 2011, sorti la semaine dernière, devançant ainsi le chanteur anglais Sting, le célèbre footballeur Lionel Messi et Barack Obama. Le jeune homme de 21 ans s'est en effet fait connaître avec sa chanson Rais Lebled (Président de la République), un véritable hymne révolutionnaire repris en Égypte, qui a alimenté la révolte contre l'ex-président Ben Ali et accéléré sa chute le 14 janvier dernier.

«Sa chanson, c'est le Monsieur le président de Boris Vian version 2011. Il ne s'est pas adressé à Ben Ali en lui disant «Tu es un voleur, tu ne vaux rien», mais plutôt «Ton peuple se meurt, il ne mange pas à sa faim, regarde la misère et l'injustice un peu partout autour de toi»», a expliqué en entrevue Bachir Bensaddek, scénariste et réalisateur de Rap arabe, documentaire qui sera diffusé sur les ondes de TV5 ce soir et qui retrace le quotidien de quatre jeunes rappeurs arabes engagés.

«Nous avons choisi des artistes qui faisaient du rap en langue arabe et qui vivaient dans leur pays d'origine. Le second critère a été qu'ils fassent un rap contestataire et qui véhicule un message politique», a-t-il ajouté.

Du détroit de Gibraltar au golfe Persique, ils s'appellent Malikah, Ashekman, Lil Zac et Don Bigg et se servent de leur rap pour brosser sans complaisance un portrait de leur société d'origine. Ils ont choisi le rap plutôt que la kalachnikov et utilisent la langue de la rue pour mieux se faire comprendre par les jeunes du peuple.

«Au Maroc, Don Bigg est une grande star. Dans son premier album, il était extrêmement revendicateur et acerbe, en parlant de sa société. Ces rappeurs incarnent des frustrations, du quotidien et des envies de la jeunesse et c'est dans cette mesure qu'ils sont révolutionnaires.»

Lynn Fattouh, alias Malikah, n'a pas encore sorti d'album dans son pays d'origine, le Liban. Animatrice d'une émission sur MTV Arabia, mettant en vedette des rappeurs des quatre coins du monde arabe, elle va très bientôt monter sur scène avec le rappeur américain Snoop Dogg et même enregistrer un titre en duo avec lui.

«Ce qu'elle dit sur les politiciens libanais peut s'appliquer à beaucoup de politiciens arabes, alors, dans cette mesure, ça peut mettre le feu aux poudres. Son rap sert surtout à rassembler. Elle avait sorti une chanson qui s'appelle Élections 2009 qui disait: «Allez voter, oubliez le sectarisme, posez vos armes. Oublions nos conflits passés, votons contre la magouille, pour la liberté et la démocratie», ce qui est très courageux comme discours dans ce type de société pour une jeune femme de 25 ans», a ajouté Bachir Bensaddek.

Inspirés de Public Enemy

Si tous se réclament du mythique groupe de rap contestataire américain Public Enemy, leur musique n'en est pas pour autant une pâle copie.

«Public Enemy a été le premier à mettre le feu aux poudres et à dire «Révoltez-vous», ce qui a beaucoup influencé les soulèvements à Los Angeles en 1992. Les rappeurs arabes que j'ai rencontrés lors du documentaire n'ont pas le même message. Ils parlent de leur société, mettent en joug leurs dirigeants et libèrent la parole. C'est ce côté innovateur qui les distingue, ils sont les premiers à le faire d'une manière aussi populaire et exclusivement adressée aux jeunes. Musicalement c'est très différent aussi, ils vont chercher une sonorité qui leur ressemble.»

À l'exception de Don Bigg dont les chansons sont offertes sur iTunes, les réseaux sociaux sont leur seule courroie de transmission et leur circuit de distribution reste principalement le site internet de partage YouTube et les nombreux concerts qu'ils donnent dans les festivals.

_______________________________________________________________________________

Rap arabe de Bachir Bensaddek est diffusé ce soir à 21 h sur les ondes de TV5.