Surnommé «l'homme qui inspire le plus confiance à l'Amérique», le pionnier de la télévision Walter Cronkite, décédé vendredi à l'âge de 92 ans, reste associé aux plus grandes pages d'Histoire de la deuxième moitié du XXe siècle aux États-Unis.

«J'étais plutôt bien placé pour voir passer le défilé», reconnaissait l'ancien présentateur du journal du soir de CBS dans une rétrospective de sa carrière, en 1997. «J'ai eu la chance de naître au bon moment pour voir une bonne part de ce siècle étonnant».

Au zénith de ses soixante ans de carrière, Walter Cronkite devait jouer un rôle crucial en tournant l'opinion publique américaine contre la guerre du Vietnam.

Après avoir couvert les suites de l'offensive du Têt en 1968, le journaliste, de retour dans son studio new-yorkais, jugeait «plus certain que jamais que l'aventure sanglante du Vietnam finirait par s'enliser».

Le président Lyndon Johnson aurait alors dit à un proche: «C'est fini. Si je perds Cronkite, je perds l'Amérique profonde». Peu après, le président annonçait qu'il renonçait à être candidat à sa succession.

L'histoire d'amour entre Cronkite et les Américains, confirmée par une cote de confiance plus élevée que pour aucun dirigeant politique ou religieux de l'époque, s'était nouée lors de l'assassinat du président John F. Kennedy en 1963.

En bras de chemise, le journaliste prenait l'antenne pour annoncer que JFK venait d'être victime d'un attentat. Une heure plus tard, retenant ses larmes, il retirait ses grosses lunettes pour annoncer au pays la mort de son président.

Walter Cronkite, né au Missouri en 1916, avait pris le JT de CBS un an plus tôt, en 1962, et avait su donner sa touche personnelle à l'émission qu'il concluait d'un rituel «And that's the way it is» («et c'est ainsi que vont les choses...»)

Cette «signature» représentait en fait «le plus haut idéal du journaliste», expliquait-il longtemps plus tard: «rapporter les faits tels qu'il les voit, qu'elles qu'en soient les conséquences ou les controverses qui pourraient s'ensuivre».

Walter Cronkite a fait ses débuts dans le journalisme dans les années 1930 pour les agences Scripps-Howard et United Press. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il accompagne l'armée américaine lors du débarquement en Normandie et survole l'Allemagne lors de bombardements aériens. Il couvrira ensuite les procès des dignitaires nazis à Nuremberg.

Entre 1946 et 1948, on le retrouve chef du bureau de United Press à Moscou, avant qu'il ne finisse par céder aux sirènes de la télévision en 1950.

Jusqu'à sa retraite, en 1981, Walter Cronkite saura conjuguer à l'écran gravité et humour tout en laissant parler son coeur, comme ce jour de juillet 1969 où sa joie éclate au moment où les premiers astronautes américains se posent sur la Lune.

Ses commentaires mordants lui vaudront le sobriquet de «gauchiste». Même après avoir quitté l'avant-scène, il n'a pas ménagé ces dernières années l'intervention en Irak, qu'il comparait à un nouveau Vietnam, et a appelé son pays à relever le défi du changement climatique.

S'adressant en 2007 aux étudiants en journalisme de l'Université de Columbia à New York, il les appelait à chercher les vérités que politiques et groupes de pression préféreraient occulter.

«Pour moi, il représente le meilleur de la liberté de la presse», a dit de lui l'ancien président Bill Clinton.