Des créateurs réputés se joindront à 800 citoyens dans Une folie à l'envers de l'hiver, le grand défilé de Juste pour rire. Une ambitieuse ode à la nature québécoise qui permettra aux Montréalais de s'approprier leur ville, espère sa conceptrice Danielle Roy.

Au cours des 10 dernières années, Danielle Roy a visité plusieurs carnavals européens, dont ceux de Bâle, Venise et Nantes. Elle en est revenue avec l'envie d'adapter la formule de ces grands défilés populaires. «Je voulais créer la fête la plus inclusive possible, sans sacrifier son esthétique et son intelligence», raconte-t-elle.

L'an dernier, elle a organisé son premier défilé au festival Juste pour rire. Son mari, Gilbert Rozon, fondateur et ancien patron du festival, avoue qu'il ne s'est pas laissé convaincre immédiatement.

«Quand Danielle nous parlait de ces défilés populaires il y a 10 ans, nous ne comprenions pas grand-chose, se souvient-il. Le concept nous paraissait très abstrait, presque ésotérique. Mais en tant qu'artiste, Danielle a toujours précédé et même instigué les modes. (...) Aujourd'hui, je crois à 3000% au projet», s'emballe-t-il.

Habituellement, ce genre d'événement se déroule en février. Mais Danielle Roy n'a pas envisagé très longtemps cette option. «La facture de déneigement aurait coûté trop cher au maire, blague-t-elle. Avec notre climat, il fallait l'organiser en été. De là vient l'idée du titre, Une folie à l'envers de l'hiver.»

La conceptrice et directrice artistique cherchait un concept assez facile à suivre. Le premier flash lui est venu à son grand défilé l'été dernier, organisé en collaboration avec le festival de Nantes. On y voyait Rose, leur mascotte. Cette année, Rose revient voir Victor. Le bonhomme vert de Juste pour rire cherche à lui préparer une fête.

«Victor subit l'angoisse de la page blanche. Pour la symboliser, tous les participants du défilé se drapent de blanc», explique Danielle Roy.

Mais le thème dépasse cette petite histoire d'amour. Car Victor trouve finalement une idée pour accueillir Rose: lui présenter la nature québécoise. Une folie à l'envers de l'hiver constitue ainsi une ode à nos quatre saisons.

Le défilé se divise en autant de sections. Il commence avec l'automne, «qui symbolise le début de la vie selon les Amérindiens», rappelle Danielle Roy. Et il se termine avec l'été. La Lune, le Soleil, un iceberg, un lac argenté et plusieurs autres oeuvres impressionnantes se succèdent dans ces tableaux.

Chacun possède aussi sa propre musique, qui vient de percussions jouées en direct par les participants et d'une trame sonore préenregistrée. Samajam supervise le volet percussif. Les instruments sont insolites: des bottes (pour un numéro inspiré du gumboots, danse percussive d'Afrique du Sud) aux bâtons de hockey, pour ensuite céder la place aux tuyaux et aux djembés.

Les citoyens-créateurs

Juste pour rire a assemblé une équipe de créateurs de premier plan pour son Grand Charivarir. «C'est de la trempe d'un spectacle de Las Vegas ou de Broadway», assure Gilbert Rozon.

Le Belge Luc Petit (Dragone, Euro 2000) signe la mise en scène avec M. Zo. Olivier Goulet (responsable des vidéos aux concerts de Cher et Bette Midler) se charge des projections. Claude Lafortune (L'Évangile en papier), Anne Marie Veevaete et Marie Aubé s'occupent respectivement des chapeaux et masques, des costumes, accessoires et maquillages. Une douzaine d'autres créateurs complètent l'équipe.

Ils dirigent près de 800 participants du grand public qui participeront au défilé. Depuis quelques jours, ceux-ci ont suivi des ateliers préparatoires. Certains ont appris à jouer les percussions avec l'École Samajam. Ceux qui se transforment en arbres ou en papillons ont confectionné leurs costumes de papier sous la supervision de Claude Lafortune et d'étudiants en design. D'autres ont appris à éclairer ou à charrier des oeuvres comme l'iceberg ou le lac argenté, attaché au cou d'environ 50 personnes. Car, dans le défilé, Danielle Roy tenait à ce que seule la force humaine transporte la nature.

«Pour le public, c'est une chance inouïe de travailler avec tous ces grands créateurs, s'emballe Gilbert Rozon. C'est une démocratisation de l'art, dans le sens noble du terme.»

Le défilé commence demain soir au coucher du soleil. La noirceur permettra de projeter des images sur les costumes blancs des participants.

Les clés de Montréal

À la demande de Danielle Roy, le maire Gérald Tremblay a remis lundi dernier les clés de Montréal au Festival. Une tradition européenne, qui symbolise que la population s'approprie la ville le temps des festivités.

Après les différends médiatisés entre Gilbert Rozon et le maire, ce dernier a augmenté de 100 000$ à 500 000$ le financement accordé au Festival. Une bonne portion de cet argent sert à financer le volet extérieur gratuit.

Pour souligner ce partenariat et illustrer le thème de la nature, le défilé sort du périmètre habituel de Juste pour rire. Il culminera au pied du mont Royal, devant la statue de Sir George-Étienne Cartier. C'est là qu'un géant de 51 pieds se joindra à la foule. Une façon de souligner la réfection de la statue et du carrefour des Pins.

«Et que fera-t-on, sur place, avec les gens qui participent aux tam-tam? On veut les intégrer, lance Gilbert Rozon. C'est une fête, on veut que tous se l'approprient.»

Départ demain soir à 20h40 à l'intersection Saint-Laurent/Sherbrooke.