Virginie Brunelle fêtera l'an prochain les 10 ans de sa compagnie, mais présentera pour la toute première fois une de ses créations sur la scène du Théâtre Maisonneuve ce soir, alors que les danseurs de Gauthier Dance interpréteront Beating, une pièce qu'elle a créée sur mesure pour eux.

Depuis 2009, Virginie Brunelle s'est bâti une solide réputation de chorégraphe dans le milieu de la danse. De Foutrement à À la douleur que j'ai, en passant par Complexe des genres et PLOMB, la jeune trentenaire a maintes fois été saluée par la critique et est aujourd'hui soutenue par Danse Danse. Le diffuseur est en effet à l'origine de sa rencontre artistique avec les danseurs de Gauthier Dance, la compagnie du Québécois Éric Gauthier établie à Stuttgart.

Beating, la création qu'elle a concoctée pour eux, fera désormais partie de leur répertoire et sera présentée à travers le monde. Le public montréalais la découvrira à partir de ce soir dans le cadre d'un programme en quatre temps présenté par Gauthier Dance. Une soirée au cours de laquelle on verra Éric Gauthier et Andonis Foniadakis rendre hommage à Louise Lecavalier et Marco Goecke proposer un solo qui explore ses souvenirs de jeunesse, profondément marqués par Pina Bausch. La chorégraphe berlinoise Helena Waldmann sera également de la partie.

Afin de remplir la commande faite par Éric Gauthier, Virginie Brunelle a passé quelques semaines en Allemagne avec une toute nouvelle équipe pour élaborer sa nouvelle oeuvre. Un mandat qui a fortement éloigné la chorégraphe de sa zone de confort à plusieurs égards.

«Je suis très exigeante avec moi-même, très perfectionniste, avec une gestion du stress plutôt médiocre! Ça me positionnait dans un contexte avec un autre niveau de pression, mais surtout avec un double apprentissage: apprivoiser de nouveaux danseurs et faire une création dans une autre langue. Disons que mon anglais est assez boboche!», s'amuse Virginie Brunelle.

Si la chorégraphe a su composer avec son anglais approximatif, elle a surtout dû faire face à un défi de taille: transmettre sa méthode de travail et son langage chorégraphique contemporain à des danseurs de formation classique.

«La manière que je crée, je forme un canevas et après j'ajoute la chair, je fais des liens. Les choses déboulent très vite. Je voyais dans leurs yeux qu'ils étaient un peu déstabilisés. Ils sont habitués à ce que les choses soient placées dès le départ. Certains voulaient que je mette des comptes, mais je ne travaille pas du tout comme ça, c'est beaucoup plus musical! Ça a été une rencontre assez confrontante pour eux comme pour moi. Mais rapidement, ça s'est placé et ils ont embarqué dans l'univers que je proposais», se rappelle Virginie Brunelle.

La chorégraphe de Beating a ainsi tenté d'insuffler le plus d'humanité possible à ses huit danseurs à la technique impeccable.

«J'aime voir l'effort, le chemin du danseur pour arriver d'un mouvement à un autre. Souvent, dans la danse classique, on essaye de cacher cela. J'ai voulu montrer et même exagérer l'effort. Ça salit l'esthétique classique, et c'est ce qui me plaît. Le défi était qu'ils n'essayent pas de tout esthétiser, mais d'être plus crottés!»

Habituée aux formats plus longs, elle a également dû composer avec une contrainte de temps et ainsi créer une pièce de 20 minutes. «Habituellement, je prends le temps de faire évoluer les choses et d'avoir une certaine dramaturgie dans tout ça. Là, c'était vraiment condensé. C'était ma première expérience avec une commande, alors c'est sûr que je n'avais pas envie de me planter», précise-t-elle.

En un battement de coeur

C'est dans une étude californienne sur la synchronisation des pulsations cardiaques que Virginie Brunelle a puisé son inspiration pour créer Beating. «Ils mettaient des amoureux face à face et ils se rendaient compte que les pulsations cardiaques se synchronisaient. J'ai élaboré des images à partir de là, pour faire une pièce en trois tableaux sur la capacité d'adaptation de la fréquence cardiaque. Avec toute cette situation déstabilisante, je ne pouvais pas partir dans une thématique complexe avec trop de recherche. J'ai plus misé sur un leitmotiv qu'est le pouls, la pulsation qui est le fil conducteur. Je me suis concentrée sur la physicalité», explique-t-elle.

La créatrice a choisi trois pièces musicales pour accompagner les trois tableaux de Beating, soit «une pièce de Liszt, moins rythmée au piano pour illustrer le petit côté insaisissable avant d'être capable de synchroniser les battements de coeur. Puis la ferveur sur une pulsation vive sur une musique de Gorecki et enfin Max Richter, pour un contexte plus intime, plus dans l'émotion et plus contemporain», précise Virginie Brunelle.

À quelques jours de la première montréalaise de sa pièce, la chorégraphe a de quoi être nerveuse. Quatre des huit danseurs de Gauthier Dance n'ont encore jamais travaillé avec elle.

«C'était la fin de saison, beaucoup de danseurs ont quitté la compagnie. Il y a donc quatre danseurs sur huit que je n'ai jamais pu coacher. J'ai une répétition d'une heure trente avec eux avant la première. C'est un exercice de lâcher prise!», lance-t-elle en riant.

Virginie Brunelle travaille actuellement sur sa prochaine création qui sera présentée en novembre 2019 par Danse Danse, une pièce pour huit danseurs avec le quatuor Molinari live sur scène. Elle participe également au long métrage de Martin Laroche Le rire. «Il m'a approché pour deux scènes où il y a de la danse. C'est fabuleux de travailler dans son univers», conclut-elle.

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Gauthier Dance, du 31 octobre au 3 novembre au Théâtre Maisonneuve.

Photo fournie par Danse Danse

Des danseurs de Gauthier Dance interprètent la pièce Beating de Virginie Brunelle.