Nommé il y a un an, le directeur artistique des Grands Ballets, l'Italien Ivan Cavallari, pourra enfin voir le fruit de son travail sur scène. Depuis mercredi s'ouvrait ainsi une nouvelle ère pour la compagnie, avec le premier spectacle de la première programmation de l'artiste formé au ballet Bolchoï de Moscou. Au menu: le Stabat Mater de Giovanni Battista Pergolesi par Edward Clug, et la 7e Symphonie de Beethoven par Uwe Scholz. Nous avons parlé avec Ivan Cavallari de grande musique, d'élévation et de l'art qui sauve le monde.

Vous êtes fier de cette saison qui commence?

Je suis plus que fier, je suis content de commencer le travail. L'an dernier a été une année de transition. J'ai attendu un an, et là, j'ai énormément de plaisir à travailler en studio avec les danseurs et à les voir progresser. Aussi, ce sont deux pièces auxquelles je suis très attaché, car j'aime beaucoup la musique. Le Stabat Mater me met dans un état de paix, et la 7e Symphonie, c'est comme une bombe atomique positive.

Pourquoi aimez-vous tant la grande musique?

Aujourd'hui dans le monde, il y a des attentats, on ne sait plus où on va, et tout ça donne une société qui est un peu perdue. Retrouver des valeurs comme la musique, la danse, la culture, c'est un impératif. 

C'est cet élan que vous voulez donner aux Grands Ballets?

Oui, mais c'est seulement le début. Vous n'avez rien vu!

Vers quoi allez-vous?

On a une belle saison à découvrir, car tous les autres spectacles sont des créations. Ça va être la surprise, comme une nouvelle naissance, avec ma première année. Chaque fois, on est un peu différent quand on prend une nouvelle mission.

Comment décririez-vous Stabat Mater à un néophyte?

C'est la tristesse de la Vierge pour la perte de Jésus. C'est la musique de Giovanni Battista Pergolèse, qui dépasse la réalité du présent pour l'emmener très près du ciel. Et la chorégraphie d'Edward Clug est une traduction moderne de la Passion de Jésus. C'est une rencontre avec la souffrance de la Vierge, symbolisée d'une façon très moderne, nue et sublime. À la fin de cette pièce, je me sens soulagé de tout, de la routine de tous les jours, même de ma fatigue.

La 7e Symphonie de Beethoven est une pièce musicale que l'on connaît. Comment décririez-vous la chorégraphie?

Le chorégraphe, Uwe Scholz, était quelqu'un qui montrait la musique, qui n'allait pas contre elle. Quand on voit sa chorégraphie, on voit la musique. La musique donne des images, et ce qu'il a fait est très lié à ce que Beethoven voulait peut-être montrer dans la grandeur de ce chef-d'oeuvre. Il y a des accents très forts, mais qui sont soulignés par notre limite corporelle. Scholz a essayé, dans le sens vertical, classique, de nous apporter la musique, de nous élever encore plus vers le ciel et vers quelque chose qui nous fait du bien.

C'est ce que vous voulez exprimer avec ces deux premières chorégraphies?

Oui. On a besoin de sortir d'un théâtre avec un bon feeling aujourd'hui. On voit plein de choses terrifiantes tous les jours. Et j'en ai marre de l'art qui essaie de provoquer un jour et qui ne provoque plus rien le lendemain.

Vous avez travaillé en Australie, en France, en Allemagne... Comment se place Montréal sur l'échiquier de la danse?

C'est une ville très riche qui propose plein de belles choses sur le plan artistique, tant dans le contemporain et le moderne que le néo-classique. Il y en a pour tous les goûts. Les Grands Ballets sont une institution très grande, mais j'aimerais bien, pour mes cinq ans ici, développer un rapport de proximité plus grand avec le public. On a un nouveau building [l'Édifice Wilder], j'aimerais inviter les gens à voir les classes, les répétitions. Je voudrais ouvrir les portes un peu plus à qui veut découvrir notre travail.

Vous commencez votre mandat avec l'ouverture de la Maison de la danse. C'est toute une chance!

Oui, ça n'arrive pas souvent dans une vie. J'ai travaillé un an dans l'ancien garage... J'avais un bureau sans fenêtre, c'était horrible.

Après un an, vous vous sentez bien à Montréal?

Oui, mais l'hiver est un peu long.

Est-ce que Montréal vous donne plus de liberté qu'ailleurs?

C'est une des raisons pour lesquelles je suis content d'être ici: je sens depuis le début une liberté artistique que je souhaitais avoir depuis longtemps.

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Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, jusqu'au 28 octobre.