À l'invitation des Grands Ballets canadiens de Montréal, le Houston Ballet présentera à partir de mercredi Marie-Antoinette, un ballet narratif historique qui revisite le destin tragique d'une reine aussi adulée que haïe.

Loin de l'image de la reine frivole et écervelée, le chorégraphe australien Stanton Welch, directeur du Houston Ballet depuis 10 ans, a tenté, dans ce ballet créé en 2009, de dépeindre Marie-Antoinette sous un jour nouveau: une femme ô combien humaine qui s'est retrouvée dès son plus jeune âge plongée au coeur d'une terrible tragédie.

Un personnage historique complexe qui a suscité un nombre impressionnant d'ouvrages, de pamphlets, de représentations et de critiques et que le chorégraphe a redécouvert à travers un documentaire.

«J'ai grandi avec quelques notions historiques sur Marie-Antoinette, mais je n'avais jamais passé de temps à étudier le personnage. Quelques années avant la création du ballet, j'ai eu une journée de congé - ce qui tient du miracle -, et j'ai découvert un documentaire sur elle. Il montrait à quel point j'avais d'elle une vision incorrecte», explique Stanton Welch.

Considérée comme frivole et dépensière, elle est en effet, aux yeux de l'opinion publique de son époque, une épouse infidèle et lubrique qui ne pense qu'à ses propres plaisirs. Des accusations qui entraîneront en partie sa perte lors de son procès devant le Tribunal révolutionnaire.

«J'étais interloqué par le nombre de rumeurs à son sujet qui avaient valeur de vérité dans la conscience collective. Ce qu'elle a vécu est pourtant une leçon de vie incroyable. Ça m'a attiré vers elle et, à force de recherches, j'ai voulu créer une oeuvre qui montre ce qui est vraiment arrivé à Marie et à Louis.»

L'émotion d'une vie entière

Du mariage de Marie-Antoinette et de Louis XVI, encore adolescents, à l'échafaud, en passant par leurs problèmes conjugaux, Stanton Welch revisite tout un pan de l'histoire de France en deux heures de ballet sur pointes.

«C'est un ballet abstrait dans lequel je dois reproduire l'émotion de toute une vie. À 15 ans, elle est envoyée en France par sa mère. On lui interdit de garder ses jouets et on la fait se déshabiller devant tout le monde pour être remodelée et envoyée à la cour. Imaginez l'horreur de cette scène! Marie et Louis se lient bientôt d'amitié. Mais elle devait tomber enceinte dans l'année d'un homme qui ne voulait pas la toucher. Elle trouvera la passion auprès d'un autre homme. J'aime la complexité et le réalisme de cette histoire», raconte le chorégraphe.

Férue de théâtre et de musique, Marie-Antoinette a même fait construire pendant son règne un théâtre au Petit Trianon. Si Stanton Welch a d'abord songé à utiliser les musiques de ses contemporains Mozart ou Gluck, sur ses chorégraphies, il s'est finalement tourné vers Chostakovitch.

«Je suis un grand fan de ce compositeur. C'est un génie. Au départ, j'ai tenté de me tourner vers des compositeurs du temps de Marie-Antoinette, mais ça ne fonctionnait pas. J'étais en voiture quand j'ai entendu Chostakovitch et j'ai été transporté à l'instant même dans l'histoire de Marie. Sa musique s'accorde très bien avec les émotions que je veux faire passer dans cette création», dit-il.

Marie-Antoinette est ainsi une tragédie en trois actes aux somptueux décors et costumes signés Kandis Cook dont la finale chargée d'émotion se déroule sur l'échafaud.

«Je ne dis pas que tout ce que Marie-Antoinette a fait est bien, mais je trouve que ces deux adolescents qui ont choisi de mourir en monarques sont très touchants. Ils auraient pu fuir et ils ne l'ont pas fait», conclut Stanton Welch, qui se lancera prochainement dans la création de Roméo et Juliette pour le 450e anniversaire de naissance de William Shakespeare.

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> À la salle Wilfrid-Pelletier, du 9 au 12 avril.

Trois questions à Melody Mennite

Comment vous êtes-vous préparée pour ce rôle?

J'ai la chance d'incarner Marie-Antoinette depuis la création de la pièce. J'ai lu, regardé des films et des documentaires sur elle. Je voulais mieux la connaître comme personne. Plus je me renseignais, plus je me trouvais des points communs avec elle. Ce fut assez facile pour moi à partir de là de me glisser dans sa peau. Stanton Welch a créé ce ballet pour pouvoir exposer son histoire à travers ses yeux à elle.

Vous semblez très attachée à elle...

Oui. Ce ballet est arrivé à un moment très difficile de ma vie personnelle et à un tournant de ma carrière. Je venais de devenir danseuse principale, et il y avait des moments où je ne savais même pas si je serais capable de monter sur scène, car j'avais perdu beaucoup de personnes dans ma vie, tout comme Marie-Antoinette, qui a vu sa famille se faire tuer sous ses yeux. Le fait qu'il s'agisse d'une histoire vraie et qu'elle ait traversé cette terrible épreuve est bouleversant. On honore sa mémoire dans ce ballet, elle qui a été dépeinte comme un personnage caricatural dont la citation la plus célèbre reste: « Qu'ils mangent de la brioche! » Je crois qu'elle était plus que ça, et je suis fière de participer à une oeuvre qui montre aussi son humanité.

Quel a été le plus gros défi de cette création?



C'est un personnage exigeant et épuisant sur le plan émotif. Même en répétition, il m'est impossible de me donner à moitié. C'est très intense. Elle est tellement ancrée dans l'histoire, la musique et la chorégraphie. Cette pièce nous emporte très facilement. Les robes constituent à elles seules au défi, car elles sont longues et parfois plus lourdes que nos costumes habituels. Mais le designer a eu l'intelligence d'utiliser des tissus très légers.

PHOTO AMITAVA, FOURNIE PAR LES GBCM

Melody Mennite en compagnie du danseur Ian Casady.