À 37 ans, le danseur et chorégraphe Kyle Abraham a été acclamé par la critique pour des pièces comme The Radio Show et Live! The Realest MC, inspirées du quartier noir de Hill District, à Pittsburgh, où il a grandi. Il présentera pour la première fois au Théâtre Maisonneuve Pavement, une nouvelle création mettant en scène un groupe d'amis luttant pour rester ensemble alors que leur communauté est déchirée.

Quel a été le point de départ de Pavement?

J'ai surtout été inspiré par Boyz N The Hood de John Singleton (1991), un film qui constitue une véritable capsule temporelle sur les gangs de South Central à Los Angeles. Ça me ramène à l'époque où j'allais à l'université à Pittsburgh! Je me suis également inspiré de The Souls of Black Folk, tiré du livre de W.E.B. (William Edward Burghardt) Du Bois, paru en 1903, qui parle de l'identité afro-américaine dans la société américaine post-esclavagiste.

Qu'avez-vous pensé la première fois que vous avez vu Boyz N The Hood?

J'étais à Pittsburgh et j'avais peur d'aller le voir, car j'avais entendu parler des fusillades qui avaient eu lieu dans les salles de cinéma. C'est fou, on en entendait peu parler aux nouvelles, car ça se passait dans des quartiers noirs! Je me rappelle cette anxiété. J'ai fréquenté deux écoles, durant mon adolescence, et elles appartenaient à deux gangs différents. Je devais donc faire attention à la couleur de mes vêtements: porter du rouge en descendant de l'autobus aurait pu être dangereux! Je connaissais donc bien la réalité dont parlait le film de John Singleton.

Que vouliez-vous montrer dans Pavement?

J'ai voulu examiner la vie des Afro-Américains dans les communautés de Hill District et d'East Liberty Homewood depuis 20 ans. La communauté urbaine était pleine de vitalité de la fin des années 50 jusqu'aux années 70. Puis, dans les années 90, les crimes perpétrés par les gangs, la pauvreté, le trafic de drogues et l'apparition du sida ont durement frappé la communauté. Les bâtiments se sont peu à peu dégradés et les vitres brisées à cette époque le sont encore! Personne n'a rien fait pour préserver ces structures, et je voulais m'interroger sur la manière dont la communauté se sent devant ça. C'est très frustrant de voir que rien n'a changé. On doit voir comment il est possible de travailler avec les communautés.»

Quel genre de musique avez-vous choisi d'utiliser pour accompagner ce propos?

Surtout de l'opéra. J'avais adoré la musique du film Farinelli (1994) et, en faisant des recherches, j'ai découvert la voix de Philippe Jaroussky, que j'ai tout de suite voulu utiliser dans Pavement. Mais j'ai aussi utilisé des voix plus austères pour incarner la réalité urbaine, les sirènes de police ou les fusillades; des voix plus masculines rappelant la logique des gangs de rue: tuer pour devenir un homme. J'aime le fait de les opposer à des voix de contre-ténors lyriques évoquant celles des castrats.

Travaillez-vous à une nouvelle création?

En fait, je viens de terminer quatre pièces inspirées de l'album We Insist! Max Roach's Freedom Now Suite, de Max Roach. Elles seront présentées en deux temps, dans le cadre de deux programmes doubles à New York cet été.

Du 6 au 8 mars au Théâtre Maisonneuve. Une présentation de Danse Danse.