CRITIQUE - Avec la pièce FAR, présentée jusqu'à ce soir au Théâtre Maisonneuve par Danse Danse, le chorégraphe britannique Wayne McGregor et les danseurs de sa compagnie Random Dance continuent de créer une danse d'une beauté quasi surnaturelle.

Les 10 danseurs sont d'une précision et d'une technicité incroyables: extensions extrêmes, lignes immaculées et souplesse effarante. Le vocabulaire de Wayne McGregor s'enracine dans la danse classique, mais il y introduit mille et une distorsions.

Le vocabulaire, la syntaxe et même le rythme des phrases chorégraphiques apparaissent si chaotiques, si imprévisibles, qu'on a parfois l'impression de regarder un film projeté à l'envers ou tombé dans les mains de quelque monteur dément. L'inquiétante trame musicale de FAR résulte aussi d'un remixage de sons et de borborygmes qui semblent venus d'ailleurs.

Apport technologique

Wayne McGregor figure parmi ces créateurs férus de sciences qui confrontent sans cesse leur processus de création à d'autres disciplines pour mieux se déstabiliser. Random Dance comporte même un service de recherche et développement, qui collabore avec des experts en sciences cognitives.

D'ailleurs, pour créer FAR, McGregor et ses danseurs ont à nouveau eu recours à un logiciel qui leur permet de déjouer leurs propres schèmes de production et de construction de la chorégraphie, les forçant à transcender les conventions et à trouver de nouveaux modes de collaboration. On comprend alors mieux qu'ils puissent tout virer sens dessus dessous.

De plus, pour FAR, le chorégraphe s'est inspiré, entre autres, de Flesh in the Age of Reason de l'historien Roy Porter. Cet essai relate la manière dont notre vision du corps humain et son rapport à l'esprit ont évolué à partir du siècle des Lumières. Et FAR s'ancre assurément dans l'innovation et la rationalité, tant sur les plans de sa création que de son exécution, qui exige de la part des danseurs une coordination physique et mentale hors du commun.

Cela dit, pour le spectateur, il se profile dans FAR quelque chose qui relève de la magie et de l'illusion, loin des tenants du mouvement des Lumières. Constamment secoué, il est soumis à un effet de dissonance constant, qui le force certes à ouvrir ses horizons, mais qui l'oblige aussi à lâcher prise. Et alors, il ne peut que saluer la manière dont un exercice de création aussi cérébral s'inscrit aux limites de l'insondable.

Jusqu'à ce soir au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts.