«It's going to get worse and worse and worse, my friend.» Cette phrase tirée d'un sermon du télévangéliste Jimmy Swaggart est le titre du solo de la Flamande Lisbeth Gruwez, présenté à l'Usine C. L'artiste distille ici l'essence de l'orateur qui galvanise les foules, sa sémiotique corporelle, en une étude captivante.

Pour convaincre et enflammer, le geste importe autant que la parole. Gruwez a observé politiciens et prédicateurs en action; elle a repris une partie de leur langage gestuel (regard, maintien, cadence des mots...). Son complice, le compositeur Maarten Van Cauwenberghe, a fait de même avec le sermon de Jimmy Swaggart.

Jamais Gruwez ne verse dans la caricature ou le spectaculaire. C'est avec concision que gestes et paroles sont remixés en direct, pour construire trois montées émotives distinctes.

Première montée: un mouvement de bras, répété avec contrôle, devient la pierre angulaire d'une accumulation de gestes tête penchée, colonne volontaire, traits et poings crispés qui gagnent en ampleur, souplesse et rapidité.

Au final, tout le corps de Gruwez participe à la charge affective. En contrepoint, des bips indistincts tirés du sermon de Swaggart se dilatent jusqu'à devenir des mots compréhensibles et porteurs.

Est-ce les gestes qui invoquent les mots ou le contraire? La synchronie entre Gruwez et Van Cauwenberghe laisse planer la question.

Regard critique

Puis, Gruwez associe un geste à un mot précis du sermon pour former une phrase dont son corps s'amuse ensuite à manipuler la syntaxe et le sens.

Elle répète, décompose, accentue; le ton devient insistant, le prédicateur menaçant (Van Cauwenberghe pige juste ce qu'il faut dans le fameux trémolo des prêcheurs): on file droit vers la perdition, avec force autoflagellations.

Même emportée, Gruwez contrôle la clarté de ses lignes dans l'espace: endoctrinement et propagande relèvent du calcul froid. La distanciation ainsi produite aiguise le regard critique des spectateurs.

Et pourtant, Gruwez ne lâche pas la salle du regard, sauf quand elle lui tourne le dos pour créer le suspense... ou l'appréhension. C'est nous, public, qu'elle harangue ainsi! It's going to get worse... progresse vers son inévitable conclusion: une violente exaltation portée uniquement par la prosodie du sermon, à peine audible au loin.

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It's going to get worse and worse and worse, my friend, de la compagnie Voetvolk, jusqu'au 18 janvier à l'Usine C.