Pour le chorégraphe Rafael Estévez, la tradition doit se nourrir du présent: «Le flamenco n'est pas une pièce de musée.»

Musique, chant, danse, l'art traditionnel du flamenco a largement débordé les frontières de l'Andalousie où, issu de maints apports culturels, il est né au XVIIIe siècle. Les Québécois du XXe ont découvert le flamenco par le cinéma, par le cinéma de Carlos Saura principalement, réalisateur de la trilogie Noces de sang - Carmen - L'amour sorcier au début des années 80. Le Festival de jazz leur a plus tard amené les plus célèbres guitaristes flamenco dont Paco de Lucia (en 1986 pour la première fois), grand rénovateur du genre.

Après la rétrospective Carlos Saura (prononcé Sa-ura en espagnol) présentée à la Cinémathèque en 2010 - à guichet fermé -, le Festival devrait frapper un grand coup avec Flamenco Hoy!, mis en scène par le cinéaste lui-même qui s'est entouré des plus grands noms du genre pour présenter le flamenco d'aujourd'hui (hoy). Au premier chef: le pianiste Chano Dominguez, force fusionnelle du jazz et du flamenco (Flamenco Jazz, New Flamenco Sound, etc.), et le chorégraphe Rafael Estévez qui, avec son partenaire Nani Paños, a conçu Flamenco XXI, la révélation du Festival de Jerez en 2008, lit-on sur flamenco-world.com.

Flamenco XXIe siècle, Flamenco aujourd'hui: on se croirait dans l'art moderne... «La musique flamenca a toujours été à l'avant-garde», nous dit Rafael Estévez qui a répondu cette semaine à nos questions de Madrid. «Au début du projet, Chano a proposé des musiques que Nani et moi avons commencé à traduire dans notre langage. Un langage actuel, personnel, qui reste tributaire de la tradition, mais d'une tradition qui s'est toujours nourrie du présent. Le flamenco n'est pas une pièce de musée!»

Pour le bailaor (danseur), la musique de Chano Dominguez constitue la preuve que le flamenco à «l'intelligence» d'intégrer les diverses influences accumulées au fil des siècles. Ainsi, rappelle Señor Estévez, le cajon, cet instrument de percussion en forme de boîte, vient du Pérou et on lit par ailleurs que c'est Paco de Lucia qui l'aurait intégré à l'instrumentation flamenca, dans les années 70.

En une quinzaine de tableaux, Flamenco Hoy! met en scène quelque trente danseurs, chanteurs et musiciens choisis parmi les meilleurs de la jeune génération (Chano Dominguez ne participe pas au spectacle). Il y a deux ans, New York s'est levé d'un bond pour applaudir. D'où vient ce pouvoir d'attraction? «De par son essence même, dit Rafael Estévez, la musique espagnole, et le flamenco en particulier, peuvent toucher les gens de différentes cultures. D'un côté, il y a la passion inhérente à cet art; de l'autre, la qualité des interprètes.»

Pour Rafael Estévez, seule l'approche progressive des interprètes, chanteurs, musiciens et danseurs, peut permettre au flamenco de rester signifiant comme forme d'art moderne. Recherche, étude, travail... Passion pour l'Art, en d'autres mots. pour sa pureté dynamique. «Ce qu'on considère aujourd'hui comme la pureté du flamenco est différent de ce qu'on en disait hier.»

Le dénominateur commun reste l'Art. L'Art qui refuse d'entrer au musée. 

Flamenco Hoy! de Carlos Saura, au Théâtre Maisonneuve du 27 juin au 1er juillet.