Quel magnifique triplé! Après nous avoir offert Eye (2004) et Flower (2009), l'improbable tandem composé de la chorégraphe montréalaise Lucie Grégoire et du Japonais Yoshito Ohno, fils du légendaire artiste butô Kazuo Ohno, nous plonge encore une fois en état de grâce avec In Between.

La forme, pour ne pas dire la formule, est sensiblement la même que dans les deux premiers volets de la trilogie : Grégoire et Ohno se succèdent sur une scène quasi vide en une suite de solos minimalistes, semblables à des poèmes ou à des nouvelles livrées avec force économies de gestes. Elle, le plus souvent en longues robes sombres; lui, encore et toujours fardé de blanc, présence fantomatique entre Pierrot et Nosferatu. S'ils se croisent momentanément, peut-être Ohno vient-il seulement apaiser les doutes de Grégoire, l'encadrer, sans jamais la toucher.

Malgré la retenue concentrée de Grégoire et Ohno et leurs lentes progressions de l'espace, In Between n'a rien de contemplatif. En effet, tout à la fois fragiles et telluriques, ces êtres à l'énergie envoûtante sont traversés par des vents contraires, des états d'agitation, de doute, de joie ou de plénitude. In Between ne craint pas non plus les ruptures de ton, comprenant autant des tableaux qui rappellent l'ambiance gothique des romans des soeurs Brontë que ce moment où Ohno devient un lapin, gambadant au son d'une berceuse japonaise!

Les choix musicaux sont également étonnants. Les corps retenus et pleins sont constamment enchâssés dans des musiques ou des ambiances sonores lyriques, évocatrices et parfois surprenantes. Bruits de vent et d'orage, cornemuse, synthétiseurs new age... Il a y même des textes dits, dont On Coming From a Broken Home, récité de la voix grave de son auteur, le poète et musicien américain Gil Scott-Heron, et Soir d'hiver d'Émile Nelligan par Claude Léveillée. In Between déroute, subjugue et ravit l'oeil et l'âme!

In Between, jusqu'au 19 novembre, à l'Agora de la danse.