«Noël au balcon, Pâques au tison»... trêve de dicton, car à l'intérieur des salles de danse en avril, la météo est plutôt torride. Créativité, audace, couleurs et tempérament, rien de moins pour parler des spectacles de La Otra Orilla et de Grupo Corpo. Deux spectacles très différents du même diffuseur: Danse Danse.

El12 de La Otra Orilla

Nous avions découvert la troupe dans la petite Sala Rossa il y a trois ans et étions restés ébahis devant Myriam Allard, magnifique interprète de flamenco, énergique, magnétique, à la fois respectueuse d'un purisme formel et totalement libre de revisiter la tradition par une vision délibérément contemporaine.

Tout cela était déjà là, ainsi que la complicité fusionnelle avec le merveilleux chanteur Hedi (El Moro) Graja avec lequel Allard a fondé La Otra Orilla en 2006 après avoir été formée, comme lui, en Espagne. C'est toujours là dans El12, mais à la puissance 100.

C'est un spectacle sans pareil qu'offrent ici Allard et El Moro avec un percussionniste et deux guitaristes, dont Caroline Planté qui signe une bande sonore inspirante et narrative, à l'image de la pièce. En une suite de tableaux saisissants déclinés tour à tour en noir, bleu, rouge, blanc et jaune soleil, autour du thème du temps qui passe (cycle temporel symbolisé par le nombre 12 qui est aussi le tempo structurel des chants et rythmes fondateurs du flamenco), la subtilité des éclairages et de la vidéo nous entraîne dans un voyage méditatif. Qui irradie les sens et laisse sans voix. Pure beauté et écrin pour la virtuosité de la danseuse.

On reconnaît tous les thèmes du flamenco, la gestuelle, la rythmique et l'esprit, mais complètement détournés et inattendus. Avec ce spectacle magique, intelligent et iconoclaste, La Otra Orilla s'inscrit dans le mouvement réformateur du flamenco qui se propage actuellement, notamment avec des artistes comme Israël Galván.

Le retour de Grupo Corpo

Troisième visite à Montréal de la célèbre troupe brésilienne de Rodrigo Pederneiras, dont la signature unique reste immédiatement identifiable. Signature d'abord et avant tout physique, certes, par la plastique, mais surtout par la maestria, faite d'agilité, d'énergie et de coordination, des interprètes.

On a beau le savoir, on en demeure stupéfait à chaque fois et c'est à nouveau le cas avec les pièces de ce nouveau programme, Parabelo et Breu. Deux pièces contrastées dans les couleurs, les thèmes, les musiques et les ambiances (la première très lumineuse et colorée, la seconde sombre, en noir et blanc, métal et cuir), mais qui toutes deux manifestent une fougue et une physicalité incomparables.

Parabelo s'inspire des sources métissées et hybrides qui ont fondé l'identité brésilienne et on y reconnaît une gestuelle tellurique mêlant Afrique et capoeira. Breu, avec une trame sonore dérangeante par ses mélanges, plonge au coeur d'une violence urbaine où les désirs sont aussi des luttes.

Aucune recherche de narration ni même d'émotion ici, tout est fait par et pour le mouvement, puissant, fluide, partant des hanches, dans un ensemble toujours architecturé. Parfait. Il n'y a d'autre propos que le mouvement lui-même, ce qui n'aurait pas déplu à Merce Cunningham.

D'ailleurs le choix, très inhabituel de nos jours, de tuniques colorées qui collent et dévoilent l'anatomie, y fait aussi penser. Le corps règne, avec tout ce qu'il véhicule mais surtout avec l'impact sensuel qu'il produit.

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El12 de la Otra Orilla, à La Cinquième Salle de la PDA, 9, 10, 14, 15, 16 et 17 avril, à 20 h/Parabelo + Breu de Grupo Corpo, au théâtre Maisonneuve, 9, 10 et 11 avril à 20 h.