Un spectacle sombre, austère même. De jeunes et beaux danseurs dissimulés sous de lourds habits foncés. Une grosse structure de bois évoquant l'autel d'une église, en guise de scénographie. Un exercice d'endurance pour les interprètes qui, pendant près d'une heure trente, évoquent avec leurs corps le thème de Boa Goa, pièce signée Paula de Vasconcelos.

Exception autant dans le monde de la danse que dans celui du théâtre, Pigeons International n'a plus besoin de se définir et encore moins de justifier son identité hybride. En visite chez Pigeons, on s'attend à voir du... Pigeons! Des tableaux photographiques qui se juxtaposent à des textes de Fernando Pessoa, des acteurs qui deviennent danseurs, ou des pointes lancées à Tarantino... Tout est permis chez PI. D'ordinaire, la forme est intéressante, souvent mélancolique et empreinte d'une certaine candeur. Les propos sont offerts sans être trop appuyés.

En plus de 20 ans de travail, Paula de Vasconcelos a apprivoisé le mélange des genres pour s'imposer comme créatrice unique. Et peut-être que la première faiblesse de Boa Goa tient dans sa forme trop... uniforme.

Pas facile d'éviter l'écueil de l'évocation. Mais difficile d'y succomber aussi cruellement qu'avec ce spectacle où l'histoire de la colonisation portugaise en Inde est racontée par une danse et une narration très convenues.

Les danseurs «miment», pour ainsi dire, les mouvements des membres de l'équipage de Vasco de Gama, le thème du voyage, celui de la rencontre des cultures, la rencontre entre le Portugal et le monde de Siva...

Paula de Vasconcelos a fait sa marque en créant des oeuvres originales à partir d'un propos philosophique, social ou historique. Mais cette fois-ci, l'idée originelle (la rencontre des cultures, l'ouverture à l'autre, le métissage) tombe à plat. La beauté des corps et l'énergie de ces excellents danseurs ne réussissent pas, à elles seules, à nous captiver et à soutenir notre attention. L'apport de Robert Sinha, conseiller à la danse indienne, ne se fait sentir que sur le plan cosmétique, avec quelques touches vaguement asiatiques ici et là dans le geste.

Partant du Portugal, Paula de Vasconcelos a mis le cap sur l'Inde, mais sans boussole. En résulte une oeuvre linéaire qui ne rend pas justice aux talents de ses créateurs.

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Boa Goa, pièce de Paula de Vasconcelos, une production de Pigeons International, jusqu'au 20 mars à la Cinquième Salle de la Place des Arts.