Avec Do Animals Cry, présenté jusqu'à samedi, la chorégraphe Meg Stuart s'immisce dans la sphère privée pour évoquer les instants de grâce et les tensions qui règnent au sein d'une famille, ou du moins d'un groupe d'intimes. Un exercice planant et déroutant.

La scène est dominée par un tunnel fait de branches, immense, à la fois forme menaçante et refuge. On y voit aussi une petite table de cuisine, autour de laquelle Stuart orchestre de surprenantes chorégraphies de mimiques, regorgeant de non-dits, et une niche, où certains membres du clan seront violemment mis à l'écart. Outre ces éléments de décor, ce sont avant tout les six danseurs et leurs états d'âme qui envahissent le vaste plateau.

Do Animals Cry explore la dynamique des relations entre frère et soeur, entre parents et enfants, entre amants, entre amis. On baigne ici dans l'univers du ressenti, dans celui des états de corps et des humeurs changeantes. Les six interprètes réussissent habilement à tout communiquer aux spectateurs qui se retrouvent rapidement partie prenante de la tension, de la torpeur ou de la légèreté ambiantes.

Meg Stuart et ses interprètes modulent toute une gamme d'émotions. Presque aucune parole n'est prononcée, tout passe par les regards et une gestuelle composée de menus détails (incontestablement l'une des forces de la chorégraphe). Les gestes ne relèvent en rien de la pantomime et pourtant ils rendent parfaitement ce qui se passe dans la tête et le coeur des six êtres.

Par ailleurs, le travail de partenariat est superbe. De temps à autre, la chorégraphe place deux individus en étroite relation et, pendant un long moment - Stuart sait suspendre le temps -, la joute se joue à deux. Les gestuelles étranges fascinent, surtout que Meg Stuart ne se gêne pas pour faire cohabiter sur scène une foule d'états hétéroclites.

Ce déroutant capharnaüm se déroule à plusieurs, mais il arrive qu'un seul et même interprète passe, en rafale, par toute une gamme d'émotions, donnant lieu à de surprenantes performances d'acteur. Cela dit, si Do Animals Cry offre des moments touchants, drôles ou carrément dérangeants, on est loin du mordant et de la clarté du propos d'Alibi, présenté par Stuart en 2003, ou de Forgeries, Love and Other Matters, avec Benoit Lachambre.

Trop de tableaux relèvent de lieux communs et on sent les séances d'improvisation qui ont servi de base à Do Animals Cry, alors que certaines trouvailles, quoique intéressantes, se mêlent mal à la trame du spectacle. À voir surtout pour le jeu fin des acteurs/danseurs.

_____________________________________________________________________________________________________

Do Animals Cry de Meg Stuart/Damaged Goods. Jusqu'au 27 février, à l'Usine C. Info: 514-521-4493