Benoît Lachambre s'abreuve de collaborations, que ce soit avec Meg Stuart ou Louise Lecavalier. Cette fois, c'est avec la chorégraphe de Vancouver Su-Feh Lee qu'il a créé Body-Scan. Cette oeuvre a d'abord été dansée à Brest, puis à Paris, avant d'être présentée, en fin de semaine, au FTA.

«Dans Body-Scan, j'avance, nue, vers le public, raconte Su-Feh Lee. Je reste là, debout, à me faire regarder et à regarder; j'essaie de trouver une danse issue de ces sensations.» Ici, c'est le corps, avec son histoire, ses imperfections et ses envies, qui fait bouger le danseur et non l'inverse. Chorégraphes et interprètes composent avec ce qui surgit, alors que l'écoute prend le pas sur la forme et sur la volonté.

 

Il s'agit d'écoute de soi, mais aussi d'écoute de l'autre, puisqu'il n'y a pas une, mais plusieurs personnes sur scène - Benoît Lachambre et Su-Feh Lee, mais aussi Antonija Livingstone, Yannick Matthon, Moravia Naranjo et Stephen Thompson. «Nous essayons de ressentir le mouvement de l'autre, à travers l'espace, sans être nécessairement en contact physique direct», explique Lachambre.

Autre élément essentiel de Body-Scan: le public. «Nous voulons faire sentir aux spectateurs qu'ils partagent vraiment l'espace avec nous, ajoute Lee, et qu'ils deviennent, à travers nous, très conscients de leurs corps.» Lachambre avait d'ailleurs parfaitement réussi à provoquer une telle communion kinesthésique entre public et interprètes dans Lugares Comunes, présenté en 2006 à l'Usine C.

La tyrannie du corps idéal

«Avec Body-Scan, nous sommes dans l'aise et non le malaise», tient à souligner Lachambre qui, comme Lee, s'est depuis longtemps affranchi de la tyrannie du corps idéal et des diktats de chorégraphes qui le plient trop souvent à leurs quatre volontés, sans se soucier de ses besoins.

«De toute façon, je n'ai pas le corps type de la danseuse, avoue Lee, puisque j'ai une jambe plus longue que l'autre et une scoliose.» D'ailleurs, cette fascinante danseuse d'origine malaisienne - elle a commencé sa carrière professionnelle à l'âge de 15 ans, avec le National Children's Theatre de Kuala Lumpur - se tourne rapidement vers les techniques orientales. Taï chi, qi gong et baguazhang l'aident à bouger plus en phase avec la structure de son corps singulier.

Pour Lachambre, la révélation est plus brutale: en 1991, il se fait renverser par un camion. Fémur cassé. Finies les prouesses physiques. Celui qui, quelques années auparavant, avait claqué la porte des Ballets Jazz, alors qu'on lui offrait de devenir chorégraphe en résidence («J'étouffais, confie-t-il, parce qu'on y valorisait seulement un type de corps, une seule esthétique, à la Broadway») se tourne alors, comme Lee, vers des méthodes alternatives qui redonnent de l'aisance au corps blessé, tout en éveillant la spontanéité et la créativité. Releasing, méthode Alexander, improvisation, exercices de conscience corporelle prônés par Marie Chouinard: au fil des apprentissages, Lachambre conçoit sa propre méthode qu'il enseigne maintenant de Montréal à Paris, en passant par Jérusalem et São Paulo.

«C'est d'ailleurs en utilisant cette approche que nous avons conçu Body-Scan», explique le chorégraphe, qui fut d'ailleurs très surpris de constater à quel point elle se rapprochait du qi gong, pratiqué par Su-Feh Lee. «Je sens en effet que nous recherchons les mêmes choses, confie cette dernière, qui a aussi transmis sa technique aux danseurs de Body-Scan. Nous sommes très complices.»

Body-Scan de la compagnie par b.l.eux, du 30 mai au 1er juin, à l'Usine C.