Où sommes-nous? On se pose cette question durant Footloose, la super-méga-grosse comédie musicale de Juste pour rire, à l'affiche du Théâtre St-Denis cet été.

D'après l'argument, nous sommes à Bomont, «quelque part au coeur des États-Unis, dans un passé récent», au sein d'une communauté frileuse et extrêmement pieuse. 

Dans l'adaptation et la mise en scène de Serge Postigo, Bomont est devenue une communauté francophone non identifiée où l'on vit sans alcool ni danse ni rock'n'roll. Au pays de La Bolduc, de la gigue et des sets carrés, ce puritanisme semble aussi anachronique qu'improbable.

Enfin, le théâtre est fait de conventions. Ne boudons pas notre plaisir. Et du plaisir, il y en a passablement durant ce spectacle de deux heures et demie (avec entracte), emporté par la fièvre des chorégraphies de Steve Bolton et la fougue d'une distribution jeune et nombreuse : 32 interprètes sur la scène et sept musiciens cachés dans la fosse, sous la direction musicale de Guillaume Saint-Laurent... Ça s'appelle du budget!

Alors, on danse?!

Après un tragique accident qui a fauché la vie de quatre adolescents sur le party, le conseil municipal, présidé par le révérend Moore, décide donc d'interdire l'alcool, la danse et le rock'n'roll à Bomont. L'arrivée d'une famille monoparentale de la ville (Chicago) va bousculer la morale des Bomontois. 

Ren McComarck (Phillipe Touzel, un interprète très charismatique mais au jeu limité), avec l'appui de sa mère, veut organiser un bal à l'école secondaire. Ce jeune et bel étranger a du front: il pense que la danse peut exprimer autre chose que la débauche et la pornographie...

Bien sûr, Ren McCormack se confrontera à la stricte morale du révérend Moore (excellent Dominique Côté) et de ses ouailles. Mais il va aussi s'éprendre de la fille rebelle et incomprise du révérend, Ariel (défendue avec brio par Éléonore Lagacé, une révélation!). Finalement, Ren surmontera les embûches pour libérer Bomont de sa pudibonderie du corps et du mouvement.

Or, cela, on le sait dès la scène d'ouverture. Aussitôt la mince intrigue mise en place, le metteur en scène Serge Postigo n'a d'autre choix que de broder habilement autour du vide dramatique de cette comédie musicale, en créant une succession de tableaux.

Certains sont enlevants, d'autres pas. Serge Postigo est aidé par le spectaculaire décor du talentueux Pierre-Étienne Locas (il reproduit carrément la structure du pont Jacques-Cartier), ainsi que par les magnifiques éclairages de Mathieu Larrivée. Spectaculaire est un euphémisme pour qualifier la production...

La pièce, créée à Broadway en 1998 sous la direction de Dean Pitchford et Walter Bobbie, est tirée du film avec Kevin Bacon, réalisé par Herbert Ross en 1984. Elle s'inspire d'une histoire vraie survenue dans les années 1970 à Elmore City, en Oklahoma. Ce village de 600 habitants et des poussières est, dit-on, si puritain qu'on qualifie l'endroit de la boucle du Bible Belt - ces États chrétiens du Sud où, encore à l'ère Trump, la population vit dans la crainte du Diable et du Bon Dieu. 

Voilà le problème avec Footloose: cette histoire a peu de résonance au Québec en 2017. Vous nous répondrez que Mary Poppins n'a rien de L'Odyssée... Mais l'histoire de la gouvernante a au moins le mérite de verser dans la magie et la fantaisie. Pas Footloose.

* * *

Footloose. Comédie musicale mise en scène par Serge Postigo. Avec Philippe Touzel, Éléonore Lagacé, Dominique Côté... Au Théâtre St-Denis jusqu'au 5 août. 

Le show en 5 moments

Des moments qui nous font lever de notre siège...

Holding Out For A Hero chantée avec puissance par Ariel (Éléonore Lagacé) et ses copines. L'ouverture et l'extraordinaire finale avec la chanson-titre de Kenny Loggins.

Le meilleur numéro d'acteur

Tommy Joubert qui entonne Môman dit (Mama Says). Le comédien donne une hilarante prestation et propose la meilleure composition d'un personnage de la production. Mention spéciale à Danièle Lorain en mère de famille autoritaire sur patins à roulettes!

La scène romantico-kitsch par excellence 

Le numéro d'Almost Paradise où les nouveaux amoureux (Ren et Ariel) s'enlacent sous la pleine lune et la musique d'Éric Carmen. Vos adolescentes vont craquer... assurément ! 

La scène qui n'en finit plus de finir

Seigneur aide-moi, le long solo du révérend Moore durant à la fin du premier acte, alors qu'on a tous hâte de voir quelques pas de danse sur la scène.

Le bogue technique

Problème de régie ? Le soir de la première, le son n'était pas toujours bien calibré. La musique, beaucoup trop forte par moments, enterre parfois les paroles des chansons. Les interprètes s'époumonaient dans leur micro.