Le meilleur Duceppe de la saison, Ne m'oublie pas, est présenté en ce moment à la Place des Arts avec un François Papineau en grande forme, qu'on n'oubliera pas de sitôt.

Gerry (François Papineau) est un homme de peu de mots, alcoolique et violent. Il porte un vide intérieur, un grand morceau manquant qui fait probablement défaut à tous les enfants arrachés à leur famille. Cet Australien «mauvais père» vient, en fait, d'Angleterre.

Aidé par sa fille unique (Marie-Ève Milot) et un travailleur social (Jonathan Gagnon), il tentera de reconstruire son histoire personnelle en recherchant et en trouvant une vieille femme malade (Louise Turcot), qui ne serait nulle autre que sa mère.

La réalité qu'expose l'Australien Tom Holloway est méconnue ici, quoique similaire à ce qu'ont vécu les enfants des pensionnats autochtones. À partir de 1869, la Grande-Bretagne a déporté plus de 100 000 enfants, parfois volés à leur famille, pour peupler ses colonies en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Canada, comme c'est le cas du père de la femme de feu Jean Duceppe.

Les artisans de la pièce ont traité cette histoire avec toute la délicatesse et la pudeur nécessaires. Des éclairages aux costumes en passant par la musique, une scénographie sobre et efficace et une mise en scène tout aussi sensible aux émotions des personnages. Traitement classique, mais qui convient parfaitement au texte.

Intense François Papineau

Le dos voûté, François Papineau semble porter toute la honte du monde sur ses épaules. Homme blessé au plus profond des souvenirs qu'il peine à reconstituer, il cherche néanmoins des réponses. Peu loquace, laissant souvent ses poings s'exprimer à sa place, il s'agit d'un rôle difficile, habité intensément par un grand acteur.

Louise Turcot est également parfaite pour lui donner la réplique en mère fébrile et délicate. Jonathan Gagnon, impeccable, et Marie-Ève Milot, pas toujours dans le ton nécessaire, complètent la distribution.

Les blessures de l'enfance marquent plus que les premières victimes, nous dit Tom Holloway. Ces coups portés à l'âme se répercutent sur l'entourage entier, la progéniture présente et à venir, parfois aussi des inconnus. On peut montrer du doigt des coupables, tenir des procès, mais la reconstruction et la réconciliation resteront à faire.

En retrouvant le sens du «nous», en se refaisant, en se touchant, dans bien des cas douloureux, pour une toute première fois.

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Ne m'oublie pas. Texte: Tom Holloway. Traduction: Fanny Britt. Mise en scène: Frédéric Dubois. Avec François Papineau, Louise Turcot et Marie-Ève Milot. Chez Duceppe jusqu'au 25 mars.

PHOTO CAROLINE LABERGE, FOURNIE PAR DUCEPPE

Louise Turcot (à droite) joue la mère fragile et délicate du personnage de François Papineau, dans Ne m'oublie pas.