Pour son deuxième spectacle solo, Pierre Hébert a joué gros. L'hiver dernier, il a lancé la campagne promotionnelle «l'humoriste mystère pour 20 $», dans laquelle il invitait les spectateurs à acheter un billet de son spectacle à l'aveugle. Le coup a si bien marché (20 000 billets vendus en quelques jours) que les attentes pour sa rentrée montréalaise étaient élevées. L'humoriste présente-t-il un show qui en valait le risque? Voici notre critique.

Quoi?

Le goût du risque, spectacle de l'humoriste Pierre Hébert présenté du 7 au 9 février et les 15 et 16 mars au Théâtre St-Denis, également en tournée au Québec jusqu'en 2018.

Qui?

Pierre Hébert, 36 ans, bien connu des jeunes (on l'a vu de 2009 à 2015 dans VRAK la vie, un succès de la chaîne pour ados), en est à son deuxième spectacle solo. Son premier remonte à 2011. Après avoir obtenu une maîtrise en psychologie à l'Université de Sherbrooke, il a tout laissé pour s'inscrire à l'École nationale de l'humour, dont il est diplômé depuis 12 ans. Cet hiver, il anime Gang de malades sur les ondes de Z.

Le meilleur numéro

Pendant une séquence savoureuse, Pierre Hébert raconte son premier cours de moto. D'abord, il avoue lui-même être de nature assez économe. C'est la raison pour laquelle il s'est rendu dans une boutique Harley-Davidson pour acheter son manteau de cuir et son casque dans la section «en rabais», ce qui lui donne le «look» d'un pénis humain. Mais ce qu'il ne savait pas, raconte-t-il, et que sa conjointe s'est gardée de lui dire, c'est qu'il achetait un manteau pour femme (avec trois coeurs mauves brodés dans le dos). Cette histoire, racontée avec aplomb, est efficace. On se sent avec lui dans sa mésaventure.

Le moins bon numéro

Parfois, et c'est rare, certains spectacles sont si bien rodés qu'il est difficile de cibler un numéro plus faible. C'est probablement le cas dans Le goût du risque. Pierre Hébert ne manque pas de répartie et ses anecdotes sont livrées à un public qui, sans être conquis d'avance, répond généreusement à son humour. Il y a peut-être le numéro sur Alex, son voisin trop beau aux yeux de Huskies, qui sent un peu le déjà-vu, mais c'est vite pardonné. Surtout grâce aux éclairages dynamiques et à la mise en scène impeccable de Charles Dauphinais, qui mérite d'être soulignée.

Le coup de génie

Quiconque a de la famille ou des amis qui sont déjà allés en vacances dans l'île de Santorin, en Grèce, a déjà entendu cette histoire cauchemardesque de la descente interminable et sous un soleil de plomb qui ramène les voyageurs vers le port. Pierre Hébert, dans un numéro sans fin, mais qui n'a aucun temps mort, fait tordre de rire son auditoire (le mot est faible) en racontant comment il est retourné sur son bateau de croisière à dos d'âne. Ce numéro est probablement un exemple à enseigner aux futurs humoristes sur la façon de rejoindre son public. Une anecdote qui part de soi, pratiquement universelle, le tout présenté dans une facture assez clownesque qui donne juste assez de punch à l'histoire. Ce numéro à lui seul vaut le détour.

Les meilleures lignes

«À soir, je te charge le même prix que ma gardienne.» - Pierre Hébert, qui revient sur sa campagne promotionnelle

«Tu ne veux pas aller à Cornwall, c'est le cimetière des danseuses. Elles vont mourir à Cornwall. [...] Les danseuses ont des dents ou des seins, mais y'en a pas une qui a les deux.» - Sur son enterrement de vie de garçon

«Il fait 40 degrés à l'ombre, j'ai l'impression de faire une ride dans un bac à compost.» - Sur sa descente à dos d'âne lors de son voyage à Santorin

«Moi, j'ai pas un look Harley-Davidson. J'ai un look Bouclair.» - Sur son magasinage pour son cours de moto

«J'suis pas un badass, moi. Je suis une personne âgée dans un corps de 36 ans. J'aime ça prendre des marches, ça me fait digérer.» - Sur son côté «mononc»

Le verdict

Drôle, efficace et en pleine maîtrise de ses histoires. Dans son deuxième spectacle solo, Pierre Hébert montre qu'il mérite sa place parmi les humoristes qu'il faut voir cette année au Québec. Certes, ses numéros ne sortent aucunement des sentiers battus. Le choix du titre, Le goût du risque, ne qualifie donc pas l'art qu'il pratique. Il parle plutôt ainsi à ses enfants, à qui il veut inculquer le goût des défis. De se dépasser. C'est d'ailleurs ce qu'il fait aisément. On est ici dans le stand-up classique, l'humour très personnel (son mariage, sa blonde, ses enfants, leurs voyages). Bref, une bonne recette traditionnelle servie à point. En arriver là prend toutefois beaucoup de temps, de précision et de talent. Pierre Hébert, à 36 ans, a tout cela. Le public, qui lui a offert hier une ovation spontanée et bien sentie, l'en remercie certainement.