Olivier Morin et sa troupe font de Peer Gynt, une pièce d'Henrik Ibsen écrite il y a 150 ans, un spectacle drôle, intelligent et ludique, ayant des résonances bien actuelles.

Est-il possible d'être soi-même si on vit dans le monde? Encore faut-il se connaître et se reconnaître, c'est-à-dire sans lunettes roses.

Peer Gynt (à prononcer «Père Gunte») en est incapable. C'est un optimiste opportuniste, un ado attardé à l'imaginaire magnifique, mais qui, par son immaturité, est aussi un briseur de coeurs.

Banni de son village après avoir séduit une jeune mariée, le jeune homme va de par le monde répandre ses espoirs fous et sa dégaine sympathique, mais vaine. Peer Gynt ment comme il respire et, même s'il est tout à fait attachant, le jeune homme multipliera les ravages sur son passage.

En parallèle avec un certain imaginaire poétique bon enfant, les rêves de Peer Gynt tournent surtout autour du pouvoir. Il désire être roi, prophète et aimé de toutes les femmes, qui sont à ses yeux «toutes les mêmes».

Un propos universel

Toute ressemblance avec un certain président dans sa maison de poupée, pardon blanche, est intéressante, quoique jamais surlignée. Les clichés «arabes» sautent aux yeux, mais dans un sens totalement ludique aussi. Les trolls sont ici méchants et inoffensifs, personnages des cavernes qui devraient y rester.

En fait, le propos d'Ibsen a toujours été et restera universel, ce qui en fait notre contemporain. Olivier Morin l'a bien compris et son adaptation, qui marie habilement les niveaux de langage, nous amène dans une fable entraînante.

Cette vision rebondissante et très drôle est portée par une distribution de tout premier ordre qui se glisse dans la peau de dizaines de personnages loufoques fort bien déguisés par Julie Breton.

Dans sa mise en scène, Olivier Morin nous fait oublier la petitesse de la scène du Quat'sous avec de l'action presque en continu qui n'enlève rien au propos et aux messages d'Ibsen.

L'imaginaire et la liberté soutenant l'idéal d'un monde meilleur, oui, mais au service d'un ego démesuré, non. C'était écrit dans le ciel. Peer Gynt finira bien seul.

Rêver mieux aurait été mieux.

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Peer Gynt. D'Henrik Ibsen. Adaptation et mise en scène d'Olivier Morin. Avec Guillaume Tremblay, Kim Despatis, Émilie Bibeau et Olivier Morin. Au Théâtre de Quat'sous jusqu'au 19 février.

PHOTO MARIE-CLAUDE HAMEL, FOURNIE PAR LE THÉÂTRE DE L’OPSIS

Le héros de Peer Gynt est un adolescent attardé, qui brise les coeurs par son immaturité.