Sans le préméditer, François Archambault a peut-être écrit la première pièce de théâtre sur la «vérité alternative», ce trumpisme du moment qui fait passer les mensonges pour des faits. Et vice versa.

Après le percutant (et lucide) Tu te souviendras de moi, en 2014, l'auteur s'attaque encore aux maux de notre ère. Toutefois, il change ici de mode: il propose une satire plombée d'humour noir. La mort des idéaux, la vacuité médiatique, la célébrité à tout prix, le cynisme, voilà quelques-uns des thèmes abordés dans Une mort accidentelle, créée la semaine dernière à La Licorne.

Effleurer serait un verbe plus juste qu'aborder, car le ton est léger, très léger. Et le message, assez redondant. Une mort accidentelle reprend en gros l'affirmation d'Édouard dans Tu te souviendras de moi: «Les gens ne s'intéressent plus aux idées, à la réflexion. Juste aux sensations.» Alors, même nos deuils se vivent à la vitesse grand V!

Une comédie de moeurs

Après la mort plus suspecte qu'«accidentelle» de sa fiancée, Philippe Désormeaux (Pierre-Yves Cardinal, au jeu hésitant) fuit la scène du crime, sans avertir les autorités, afin de se réfugier chez ses parents. Philippe est aussi et surtout un chanteur populaire. Avec ses parents et son agent, il fera donc tout pour éviter le scandale public et médiatique. Quitte à s'enfoncer dans une série de mensonges, pour mieux semer le doute auprès du détective qui enquête sur le drame.

À travers une intrigue loufoque, proche de l'hystérie, la production n'arrive pas à lever.

Les personnages en dehors des proches du chanteur sont les plus efficaces - l'inspecteur et une reporter télé (excellent Stéphane Jacques et savoureuse Marie-Hélène Thibault). Mais la mise en scène guère inspirée de Maxime Denommée n'arrive pas à bien les intégrer au récit.

Les procédés à la Columbo du policier dépressif et amateur de «death metal», autant que le professionnalisme mou de la journaliste people sont davantage des clichés que des situations comiques. De plus, la victime, également une vedette de télévision, apparaît ici et là sous forme de fantôme (Marie-Pier Labrecque fait du mieux qu'elle peut pour nous convaincre de l'incroyable).

Un récit qui tourne en rond

Si on rit parfois au cours de la représentation de 95 minutes, on réalise bien avant l'épilogue les limites du genre. Au bout de quelques scènes, on se demande où diable l'auteur veut nous mener avec cette histoire qui tourne en rond. Sa satire tourne rapidement au grotesque. Et la comédie se transforme en caricature.

On est loin de la mécanique rigoureuse de ses bonnes pièces comme La société des loisirs.

L'écriture manque de finesse, le propos manque de profondeur. Sans être un accident de parcours dans le corpus de l'auteur, cette Mort accidentelle ne provoquera pas de choc avec le public. Sa charge est trop puérile. Comme si Archambault s'était pris à son propre piège, et avait confondu facilité avec superficialité.

Dommage. Car l'auteur est capable de faire un vrai théâtre de résistance.

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Une mort accidentelle (Ma dernière enquête). De François Archambault. Mise en scène de Maxime Denommée. Avec Pierre-Yves Cardinal, Denis Bernard, Annick Bergeron... À La Licorne, jusqu'au 25 février.