Chez les anglophones, on aime bien dire «break a leg» («casse-toi la jambe») avant une première de spectacle pour conjurer le mauvais sort. Phil Roy a bien failli se casser le cou sur le «divan ta salade» de la nouvelle émission de Véronique Cloutier, mais cela lui a probablement porté chance, car hier soir à l'Olympia, pour la rentrée montréalaise de son premier one-man-show, non seulement il semblait remis de son entorse cervicale, mais tout est allé comme sur des roulettes du début à la fin.

Précédé d'une forte présence médiatique, ce spectacle. On a vu Phil Roy partout, chez Véro, au Banquier, aux Recettes pompettes. Le jeune humoriste de 28 ans semble l'ami de tout le monde, et c'est précisément son casting, parce qu'il a compris quelque chose très jeune, quelque chose qui fait les humoristes: l'autodérision. Sa première cible est lui-même, et comme il le dira dans sa finale positive: 

«J'ai été mon propre intimidateur, je vais me poursuivre la semaine prochaine!»

C'est comme ça qu'il a pu traverser l'impitoyable école secondaire, assez pour en garder un souvenir vibrant et attendri. «Je voudrais être un ado toute ma vie», avoue l'humoriste, le saltimbanque d'une famille de trois garçons à Laval, le seul qui n'ait pas encore tout à fait une vie d'adulte, mais qui essaie très fort d'y arriver.

Les chansons et les modes passent, mais l'expérience de l'adolescence semble la même de génération en génération. Le premier joint («Le Centre des sciences à jeun, c'est ordinaire en esti», dit-il), le premier french (qu'on a tous vécu «avec la première personne disponible»), les éternels archétypes de profs (la trop belle pour la ligue, le cool, le détesté), le clan de ceux qui mangent à la cafétéria (à qui il fait un «fuck you» mérité) et celui de ceux qui apportent leurs lunchs (les vrais), ces derniers tous unis dans la joie des galettes d'avoine (sauf celles aux raisins).

Bref, cette insouciance dont on s'ennuie une fois rendu en appartement. À ce chapitre, Phil Roy tire la pipe aux jeunes spectateurs qui habitent encore chez leurs parents. «Ta vie est un rêve, t'es une princesse!!!», crie-t-il à Maryse, 17 ans, avant de lui dire que la première fois qu'un oiseau quitte le nid, c'est pour s'écraser au sol... Il a d'ailleurs ouvert son spectacle par son expérience terrifiante d'un voyage au Nuvavik, à bord d'un avion minuscule. «Quand le pilote atterrit, tu n'applaudis pas le pilote, tu le suces!»

Pour résumer, Phil Roy a survécu à un écrasement d'avion, à l'école, au «mosh pit» de son premier show punk (sauvé par maman), à l'accident chez Véro et à sa première médiatique, mais il est encore en train de s'adapter à la vie adulte et à son premier condo, alors qu'il ne sait rien faire d'autre de ses dix doigts que tenir un micro pour faire rire, de son propre aveu.

Jamais méchant, le vocabulaire bourré d'expressions encore pas mal «jeuuunes», juste un peu vulgaire, Phil Roy est l'incarnation parfaite du bon gars drôle, qui peut se fondre dans tous les décors. S'il tombe dans les mêmes clichés nostalgiques que beaucoup d'autres humoristes, avec le détour obligé de l'hommage aux parents, c'est sa fragilité et sa candeur qui viennent nous toucher, cette insécurité avouée et que nous cachons tous à notre façon. Il ressemble précisément à cet ami du secondaire, celui qu'on aurait pu facilement harceler, mais qui savait tout désamorcer et dont tout le monde se souvient dans les partys de retrouvailles. C'est comme ça qu'on devine qu'il va se tailler une place durable dans le coeur des spectateurs.