Comme chaque année, le théâtre d'été fait courir les foules durant la saison chaude. Au volant de sa Toyota Matrix, notre journaliste s'est faufilé incognito dans quelques salles de spectacle situées à l'extérieur de Montréal, pour critiquer quelques pièces à l'affiche, décrire l'ambiance, voire - pourquoi pas - le menu compris dans certains forfaits. Cette semaine, nous avons mis le cap sur Sainte-Adèle, pour voir la pièce Erreur sur la personne.

Bof.

C'est pas mal ça qu'on s'est dit en quittant le théâtre de Sainte-Adèle, où la comédie Erreur sur la personne tient l'affiche tout l'été, mettant en vedette Chantal Baril, Roger La Rue, Daniel Thomas et Marie-Evelyne Baribeau.

Ces derniers font ce qu'ils peuvent avec ce vaudeville prévisible, dans lequel une succession de quiproquos un brin clichés et caricaturaux génèrent du théâtre d'été 100 % pur jus.

Ceux qui apprécient le côté traditionnel, voire folklorique de l'expérience (jeux de portes, imbroglios, mélange de valises, coup de foudre au premier regard, happy ending kitsch), en auront pour leur argent.

Pour le renouvellement du genre, toutefois, on repassera.

À notre passage, le public - plus proche de 70 ans que de 30 - semblait toutefois passer un bon moment, même si personne ne s'est fracturé de côte à force de rire.

Cette adaptation de la pièce Belle famille écrite il y a une quinzaine d'années par Isabelle Hubert s'ouvre donc sur une musique inquiétante et un homme en train d'entrer par effraction dans un chalet.

Il s'agit de Toe (Daniel Thomas), un tueur à gages bas de gamme, qui a reçu la délicate mission de gérer «l'affaire Comeau», c'est-à-dire supprimer Marie-Chantale Comeau, l'ancienne maîtresse du parrain de la mafia.

«Dès qu'elle arrive, je l'assassine pis je la mets dans le sac de couchage», prévient le mafieux, avant de se mettre assez gratuitement torse nu, au plaisir de la faction féminine du public, qui siffle et glousse de bonheur. Oui, ma p'tite dame, il est musclé et pas mal beau bonhomme, notre Daniel Thomas!

Pendant que le tueur prend ses aises, entre Denise (drôle Chantal Baril), la maman de Marie-Chantale, convaincue d'être en face du nouveau chum de sa fille. Elle ignore évidemment tout des activités et relations louches de sa fille.

On apprend que le drôle de prénom du tueur se veut un hommage à Toe Blake, ancien entraîneur du Canadien. Prénom qui ouvrira, on s'en doute, la porte à une kyrielle de jeux de mots subtils comme un Hummer dans un rassemblement de Téo Taxis.

«Attends, Toe... ou à tantôt!?!»

Dah!

La soeur jumelle de Marie-Chantale, Valérie (Marie-Evelyne Baribeau), débarque ensuite sur ces entrefaites, après une rupture amoureuse. «Faut que mon chum choisisse entre moi et Mario, lance-t-elle à sa mère.

- Mario qui? demande la mère.

- Mario Bros, réplique la fille», déridant la salle, où s'entassent quelques centaines de spectateurs.

Une table du décor de la cuisine s'effondre à peu près au même moment. Ce n'était pas prévu dans le scénario, à en juger par l'arrivée du metteur en scène Michel Poirier, qui interrompt la scène. «Vous allez pouvoir dire: "J'étais là ce soir-là!"», lance-t-il au public hilare, avant de déguerpir.

La pièce reprend avec la découverte de sachets de «farine» un peu partout dans les armoires de la cuisine du chalet de Marie-Chantale. Denise ne se doute de rien et entreprend de faire des crêpes pour tout le monde.

Débarque le sergent Touchette (Roger La Rue), Saint-Georges de son prénom (oui oui), venu gentiment réparer une voiture accidentée.

«Qu'est-ce que vous faites là?!?, tonne le policier, pendant que Denise transvide les sachets de coke dans le pot de farine.

- Ben, je transvide de la farine», répond Denise.

Silence. Tension. Toe retient son souffle.

«Je peux-tu vous aider?!», suggère alors le policier, niais comme ça ne se peut pas.

Daniel Thomas trouve ensuite un nouveau prétexte pour se mettre en bedaine. Re-gloussements et re-sifflements du public.

Sa relation avec la soeur jumelle de sa cible évolue quant à elle aussi vite qu'une liaison de Taylor Swift.

Mais, coup de théâtre! Toe et Valérie mélangent leurs sacs de sport Adidas évidemment identiques et pouf! Valérie comprend, par le contenu du sac, ne pas avoir affaire au nouveau chum de sa soeur.

Le rideau tombe pour l'entracte, après 45 minutes.

La petite fille d'environ 7 ans assise à côté n'a pas l'air de trop comprendre ce qui se passe. «Ark!», lance-t-elle en voyant Toe et Valérie s'embrasser.

On n'aimerait pas en tout cas être pogné pour lui expliquer la scène de la farine.

La pièce reprend. Valérie met Toe dans l'embarras devant le policier, qui en pince sans surprise pour Denise.

On sert les crêpes «pimpées» grâce à l'ingrédient secret de Denise. De loin le passage le plus drôle de la pièce, et on en aurait pris davantage.

Parallèlement à tout ça, le parrain s'impatiente et met de la pression sur son tueur incompétent pour faire la job.

Marie-Chantale (ah oui, elle!) fait alors une visite éclair et repart avec une valise.

Toe ne la descend donc pas, mais fomente un plan avec Valérie pour se débarrasser du chef de la mafia. Un plan hautement foireux et divorcé du réel (c'est une comédie, après tout), mais qui fonctionne évidemment.

L'histoire reprend après un saut dans le temps, alors que tout le monde réapparaît sur scène en habits de soirée et en poussant la chansonnette.

Le public s'est ensuite levé, comme il le fait peut-être trop facilement au théâtre, sans toutefois faire de zèle.

Les gens avaient néanmoins l'air contents, satisfaits d'une pièce qui joue par contre un peu trop fessier. Certes, on ne s'attend pas à se taper du théâtre expérimental où des comédiens se grattent le bobo au sang pendant deux heures, mais il y a presque quelque chose de discutable à servir quelque chose d'aussi beige au public, comme si on présumait qu'il ne pourrait pas en prendre plus.

Bref, à l'image d'une virée au McDo, on sait à quoi s'en tenir, le contenu est riche en calories vides, on a encore faim 30 minutes plus tard et on regrette un peu d'y être allé en sortant.

On a aimé

Le souper prévu dans notre forfait excusait à lui seul la faiblesse de l'histoire. Il fallait commander d'avance par téléphone, et la fondue à volonté et le poulet Wellington étaient respectables, même chose pour le service, impeccable.

On a moins aimé

L'entracte inutile. La pièce, courte, a débuté à 20 h 30 pour se terminer à 22 h. L'entracte de 15 minutes entre les deux nous a semblé un peu superflu, même si on a compris l'idée de vendre de la bière et tout.