Christian Lapointe met en scène un Pelléas et Mélisande naviguant entre le drôle et le tragique au TNM. Montrant à la fois le côté naïf et le côté troublant du sentiment amoureux. Avec des résultats mitigés.

L'histoire de cet amour impossible entre Pelléas et Mélisande est plutôt simple. Golaud découvre la fragile Mélisande dans la forêt. Il l'épouse. Son demi-frère, Pelléas, s'éprend de la belle. Leur amour restera chaste, ce qui n'empêchera pas Golaud, fou de jalousie, de tuer les deux amoureux. 

Le texte de Maeterlinck est beau, poétique, et l'on conçoit aisément qu'il ait pu inspirer des musiques à des compositeurs aussi divers que Debussy, Fauré, Schönberg et Sibelius.

Au théâtre, Christian Lapointe a choisi de dépasser la seule portée lyrique du récit afin d'adopter une vision kaléidoscopique plus près des intentions symbolistes de l'auteur. Cela lui permet de traiter chaque scène de chaque acte dans un style et un ton différents.

La linéarité est brisée, le souffle d'ensemble, absent.

Le spectateur est plutôt placé devant des microrécits représentant chacun un univers en soi. Comique, tragique ou autre. Distancié, en tous les cas.

Ainsi, Pelléas apparaîtra tantôt comme un amoureux manipulateur, tantôt comme le dernier amant romantique. Golaud, lui, passera de la figure de généreux bienfaiteur à celle de jaloux repentant. Seule Mélisande reste cette figure éthérée, innocente ou naïve, à tous égards mystérieuse, du début à la fin.

Plusieurs scènes font découvrir la richesse de la langue de Maeterlinck, d'autres émeuvent - comme la mort de Mélisande - et certaines sont carrément hilarantes.

Comme ce dialogue entre Golaud et Pelléas dans une grotte, l'un se faisant l'écho de l'autre dans une spirale sans fin, qui est suivi d'un véritable numéro de stand-up livré au micro et en québécois. Étonnant!

Afin de présenter le propos de Maeterlinck sous toutes ses coutures, le metteur en scène multiplie les prouesses techniques - vidéos, captation en direct, micros, théâtre d'ombres et d'objets, texte déclamé ou joué - qui ajoutent à ce prisme complexe. 

Tous les comédiens tirent leur épingle du jeu - notamment le trio principal formé d'Éric Robidoux, Marc Béland et Sophie Desmarais, dans un rôle plutôt ingrat - à un moment ou l'autre de la représentation et dans des styles fort différents, mais rarement en même temps. 

Le découpage conçu par Christian Lapointe fait donc en sorte que des moments s'avèrent éblouissants, d'autres plutôt ennuyeux, notamment les nombreux mouvements de décor in situ. La production souffre donc de déséquilibre, sans ligne dramatique claire. 

Ce n'était pas le but de l'exercice, convenons-en. Mais justement, ne s'agirait-il pas là d'un exercice de style et de dramaturgie qui aurait bénéficié d'encore plus de liberté, au FTA, par exemple, qu'en saison?

En fait, les admirateurs de Christian Lapointe, dont votre humble serviteur, risquent de rester sur leur faim, tandis que, parmi les abonnés du TNM, certains seront carrément déroutés.

On ne peut qu'applaudir, toutefois, à la décision de l'institution de la rue Sainte-Catherine d'ouvrir grandes ses portes à l'audace, à l'intelligence et, disons-le, à l'avenir du théâtre d'ici.

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Pelléas et Mélisande. Texte de Maurice Maeterlinck. Mise en scène de Christian Lapointe. Au TNM jusqu'au 6 février.

PHOTO YVES RENAUD, FOURNIE PAR LE TNM

Fou de jalousie, Golaud (Marc Béland) en viendra à tuer sa femme Mélisande (Sophie Desmarais) ainsi que l'amoureux de celle-ci.