Margie Gillis. Les présentations ne sont plus à faire. La danseuse et chorégraphe à la longue chevelure est une soliste remarquable. Elle fête en ce moment, à l'Agora de la danse, ses 40 ans de carrière en revisitant cinq solos qu'elle a créés entre 1978 et 1997. Un programme à voir sans faute.

Elle est belle, Margie. Tellurique et aérienne à la fois. Elle a 60 ans. Elle laisse blanchir ses cheveux emblématiques et ne cache rien de ses chairs de femme mûre. Elle en est d'autant plus émouvante.

La première partie de cette courte rétrospective, intitulée Florilège, est marquée par le déchirant solo Bloom (1989), inspiré du personnage de Molly Bloom, dans le roman Ulysse de James Joyce, et dansé sur des passages du soliloque. C'est véritablement un bijou d'anthologie chorégraphique, qui vous tire les larmes. Un collier de perles fait de petits gestes de femme usée et trahie. Margie Gillis, habile conteuse, magnifie avec délicatesse et précision toutes les nuances de ce monologue intérieur plein d'ironie, de dépit, mais aussi d'humour.

The Little Animal (1986) est un tout petit objet chorégraphique de 3 minutes qu'elle a mis 10 ans à peaufiner, raconte la chorégraphe dans les extraits d'entrevue qui servent de pont entre les pièces. Encore aujourd'hui, la forme étonne. C'est un véritable haïku dansé!

Elle reprend aussi Broken English (1980), rarement vu dans ses rétrospectives passées. La pièce, dansée sur la voix éraillée de Marianne Faithfull, n'a plus la charge acrobatique des années de jeunesse de Margie. Elle a plutôt pris la couleur de l'aplomb des années. En même temps, cet ovni dans le programme de Florilège rappelle que la chorégraphe n'a pas toujours fait dans le lyrisme et qu'elle a aussi eu sa part de rage.

Margie Gillis danse aussi Waltzing Mathilda (1978), un classique de son répertoire, indissociable de la voix rocailleuse du chanteur Tom Waits. Le solo évoque maintenant, mieux que jamais, la vieillesse, la mémoire et le parcours d'une vie.

La belle soirée prend fin sur Voyage (1997), la création la plus récente du programme. Margie y devient une sorte de Pierrot, une immigrante perdue sur les rivages de son nouveau pays, au son du ressac des vagues, du craquement des cordages et de l'écho de la voix de Gilles Vigneault (Si les bateaux, échantillonnée par Gaétan Leboeuf). Ce n'est certainement pas la création la plus concise ni la plus forte de la célèbre soliste. Elle y compose toutefois un de ces personnages inquiets, tourmentés et profondément humains dont elle seule a le secret et qui donnent leur pleine mesure dans ses créations solos.

Florilège de Margie Gillis à l'Agora de la danse jusqu'au 1er mars.