Dans son premier one-man-show très attendu par ses fans, présenté hier soir en première montréalaise au Saint-Denis, Adib Alkhalidey ne fait pas de politique. Il préfère parler de civisme. Et le civisme est beaucoup plus politique que l'on pense, puisqu'il est, avant les lois, la base même du fameux «vivre ensemble».

Le jeune humoriste de 25 ans propose quelque chose d'assez rare dans l'univers de l'humour, où l'on joue souvent à qui est le plus trash: il ne rit pas des gens stupides (on est toujours le stupide d'un autre), mais des gens méchants, tout en essayant de les comprendre. Il conserve ce regard naïf et enfantin sur ces cruautés sociales qui pourraient être évitables si l'on réfléchissait un tout petit peu à son prochain. Et on sent qu'il y a derrière ses blagues autant de tendresse que de compassion pour la condition humaine.

Pourquoi ces chauffeurs qui deviennent fous pour des niaiseries et qui sont prêts à tuer à tous les coins de rue pour aller plus vite? Pourquoi les gars sont-ils prêts à se bagarrer dans les bars au moindre accrochage? Adib Alkhalidey croit que ce sont les gens qui veulent se battre qui devraient se trouver une chambre à l'abri des regards, plutôt que ceux qui veulent faire l'amour. Il constate aussi que le mépris évolue en même temps que la révolution technologique.

Dorénavant, chacun peut se défouler en insultant n'importe qui à la seconde même où la pulsion se fait sentir, alors qu'autrefois, il lui aurait fallu écrire sur papier, trouver une enveloppe et acheter un timbre... Pourquoi, aussi, quand on est gentil ou sensible, se fait-on traiter de «tapette», même à la maternelle quand on a 5 ans et qu'on n'a aucune idée de ce que cela veut dire?

Enfin, ses imitations de conversations de filles bitchs aux toilettes sont particulièrement hilarantes, l'une de ses marques de commerce.

Entre quelques vulgarités qui servent son propos, Adib Alkhalidey utilise un langage d'une étonnante qualité chez les humoristes, et nous sert au passage une défense de la langue française, plus menacée à son avis par les adolescents que par l'anglais. Il ne comprend pas qu'on traite quelqu'un de nazi de la grammaire lorsqu'il relève une faute, puisqu'il y voit plutôt un casque bleu de l'orthographe.

Son spectacle (mis en scène par Martin Matte) s'intitule Je t'aime. Une toute petite phrase qui semble bien plus difficile à prononcer que bon nombre d'insultes qu'on trouve bizarrement plus cool.

Il devrait être une sortie scolaire obligatoire, et ne peut faire que du bien partout où il passera en tournée au Québec.