De mémoire, on n'avait pas vu à Montréal un projet théâtral aussi ambitieux depuis les débuts d'un certain Wajdi Mouawad. Avec Les Atrides, Louis-Karl Tremblay et sa compagnie (le Théâtre Point d'orgue) revisitent cinq tragédies grecques (écrites par Eschyle, Euripide, Sénèque et Sophocle) dans un spectacle-performance qui met en vedette 26 comédiens, 7 musiciens-concepteurs et qui se déroule dans une église du Plateau!

Ce jeune metteur en scène qui accueille les spectateurs sur le parvis de l'église Saint-Jean-Baptiste, en déchirant les billets, est visiblement animé par son art. En plus d'avoir un talent de rassembleur! Loin d'être parfait, ce spectacle déambulatoire (Tremblay a accaparé le lieu en entier et le public se déplace dans l'église entre les pièces) et assez long (3h40, avec entracte) demeure une expérience que nous conseillons aux amateurs de tragédies et de théâtre en marge.

L'histoire des Atrides est celle de la famille la plus puissante de la Grèce antique. Celle-ci s'entredéchire depuis qu'un oracle a jeté sa malédiction sur le trône incestueux d'Argos. Guerre et trahison, parricide et matricide, vengeance et exil se succéderont durant des décennies. La loi du talion règne sur cette famille condamnée à toujours souffrir. Et à répéter les erreurs du passé.

D'abord, les bémols. Il y a des problèmes d'acoustique, surtout dans la première pièce, Atrée, alors que certains acteurs projettent mal leur voix et nous font perdre du texte. La distribution est inégale. Certains interprètes dégagent autant d'émotions qu'une statue de la Vierge. Mais avec 26 (jeunes) interprètes, c'est inévitable. Il y a aussi des écueils dans la mise en scène, faute de moyens et de répétitions suffisantes.

Moments forts

Or, il y a aussi de bons flashes et des moments forts. Dès la deuxième partie, Agamemnon, le niveau de jeu monte d'un cran avec Frédéric Blanchette et Simon Boudreault qui incarnent avec intensité les deux frères des Atrides. Le plus beau moment de cette production arrive avec Électre. L'action ne se déroule plus dans la nef centrale, mais dans une chapelle latérale. Deux fabuleux acteurs (Benoit Drouin-Germain et Émilie Cormier) jouent les retrouvailles d'Oreste avec sa soeur. Puis, on assiste, assis dans le choeur, à la dérive et à la folie d'Oreste, après le meurtre de Clytemnestre et de son amant.

Au fil de la pièce, le musicien Michel Smith accompagne le récit avec ses instruments dans un coin de l'autel. On joue aussi sur les deux orgues de l'église et illumine la voûte, les icônes et les statues. Ce qui ajoute un caractère solennel à cette production présentée sans costumes d'époque ni grands moyens techniques, mais avec beaucoup d'âme et de passion.

On accorde à ces Atrides la clémence du critique à défaut de celle des dieux.

À l'église Saint-Jean-Baptiste, 309, rue Rachel Est. Jusqu'au 28 avril, du jeudi au samedi à 19 h, dimanche à 14 h.