Complices sur scène, copines dans la vie, Geneviève Bilodeau, Marie-Ève Pelletier et Dominique Pétin ont créé, lundi soir, au Quat' Sous, un tour de chant assez théâtral qu'elles souhaitent faire vivre longtemps. Elles l'ont baptisé Le Brassières Shop. Le lointain clin d'oeil au «barber shop» tient la route: les trois comédiennes misent en effet sur les harmonies vocales... et parlent de leurs seins. Et de ce qui les soutient.

Le Brassières Shop n'est pas un «show de filles» pour autant. Ses trois coconceptrices (avec l'aide de Marie-Josée Bastien à la mise en scène) ont plutôt dessiné une trajectoire humaine à travers une sélection de chansons minutieusement programmées. De Sortez-moi de moi (Daniel Bélanger) à Keshagesh (chanson de Buffy Sainte-Marie traduite en français par Jean-Marc Dalpé), elles formulent un souhait: celui d'une vie plus ouverte et plus soucieuse des autres, fondée sur nos désirs profonds et l'acceptation de la fragilité humaine.

Tout ça - et bien plus encore - s'entend dans les textes des chansons interprétées et les saynètes qui font les liens entre elles. Le spectacle, dans sa forme actuelle, est encore imparfait. Les voix de Geneviève Bilodeau, Marie-Ève Pelletier et Dominique Pétin sont fort belles et leur mélange fonctionne à merveille. Sauf quand les arrangements les poussent à en faire trop.

Les harmonies vocales peuvent ainsi s'avérer inutilement complexes, comme dans Sortez-moi de moi. L'idée d'intégrer des extraits d'une chanson dans une autre n'est pas toujours heureuse non plus (Montand et Stand by Me dans une autre chanson de Bélanger, par exemple). Dans les deux cas, plutôt que d'éclairer le propos de la chanson (ce qui est le cas de leur version de Mon corps d'Ariane Moffatt), elles brouillent les pistes et sèment la confusion.

Or, c'est dans sa simplicité que Le Brassières Shop émeut. Profondément. On pense à ce segment où les trois femmes sortent d'une petite boîte des objets précieux qui rappellent que ce qui compte dans la vie, c'est ce qui est fugitif: du temps passé avec des êtres chers sur la plage, les souliers d'un enfant qui autrefois n'était qu'un bébé et un livre de recettes qui contient tout l'amour d'une mère ou d'une grand-mère.

De ces moments magiques, il y en a beaucoup en musique. Comme leur superbe version de Crazy de Gnarls Barkley (devenue Fêlée en français). Magnifique, aussi, Le tour du bloc, jadis interprété par Diane Dufresne. Sans oublier Y a-t-il quelqu'un? de Damien Robitaille, que les trois charmantes comédiennes chantent a cappella à la manière d'un doux gospel et qui se révèle d'une beauté saisissante.

Ne manque qu'un peu d'élagage pour que ce spectacle, déjà beau, déjà touchant et déjà engageant, le devienne encore davantage. Ses fondations sont solides: un choix de chansons inspiré et, surtout, trois interprètes intenses et débordantes d'humanité. Un petit choeur qui a le coeur très, très grand.

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Jusqu'au 21 décembre, au Quat'Sous.