Il faut bien le dire, ce texte de Guillaume Corbeil était attendu avec impatience. La rumeur entourant cette première pièce lui était d'ailleurs extrêmement favorable. Mais la première représentation du Mécanicien, mercredi soir, était loin d'être convaincante. Tant sur le plan du jeu des acteurs que sur le plan dramatique.

La jeune compagnie qui produit la pièce, Aquilon Théâtre, avait monté avec succès L'amant d'Harold Pinter en 2009. Impossible de ne pas faire le rapprochement avec Le mécanicien, dont la construction dramaturgique est presque identique, que ce soit dans la banalité des dialogues de la première partie de la pièce, le crescendo dramatique qui s'ensuit, ou les jeux de rôles des personnages.

Nous sommes dans l'appartement d'un jeune couple, qui vit une vie paisible, qu'on pourrait même qualifier de mièvre. Les dialogues de départ sont d'une telle insignifiance qu'on se demande bien où ce huis clos nous mènera. Tout ça traîne en longueur et en maladresses, jusqu'à ce qu'on apprenne qu'ils ont été témoins d'une scène violente chez leur mécanicien.

Les deux jeunes gens à la recherche d'un peu de drame dans leur coin de pays «monstrueusement en paix», pour reprendre l'expression de Wajdi Mouawad, se mettent alors à imaginer le pire. À réécrire l'histoire de ce mécanicien en faisant de lui un tortionnaire. C'est d'ailleurs dans ces moments étranges que le couple s'entend le mieux.

Surviennent alors ces jeux de rôles, où le jeune homme, interprété par Pierre-Luc Léveillé, insupportable de gentillesse, devient le tortionnaire de sa belle (Anne-Hélène Prévost), dans un exercice de transposition qui laisse le champ libre à ses pulsions les plus violentes. Mais s'agit-il d'un jeu? Ou de l'expression de sa vraie nature?

C'est en tout cas le moment fort de la pièce de Guillaume Corbeil, tant dans la mise en scène de Francis Richard que dans le drame du Mécanicien. Lorsque le jeune homme ligote son amoureuse et la filme en s'adressant directement au public. «Vous voulez voir ce que je vais lui faire, hein?!», impossible de ne pas penser à la vidéo du démembrement de Lin Jun, vue par des milliers de gens. Pourquoi cette fascination?

L'auteur disait justement vouloir explorer cette fascination pour l'horreur. Une réflexion intéressante, mais qui n'atteint pas sa cible. La bougie d'allumage de la pièce, c'est-à-dire l'incident mettant en cause le mécanicien, ne parvient pas à faire décoller ce texte, autrement bien écrit. Pourtant de vrais drames humains, on en vit ici tous les jours, pourquoi ne pas avoir alimenté le récit d'une tragédie à laquelle on peut croire?

Au Théâtre d'Aujourd'hui jusqu'au 29 septembre.