Il a y longtemps que Chicago n'avait pas mis les pieds à Montréal, a dit le très enthousiaste tromboniste James Pankow hier soir au Théâtre Saint-Denis avant de présenter Just You 'N' Me comme l'une des chansons «immortelles» qui ont transcendé l'identité des membres du groupe. Il y a encore plus longtemps que j'avais vu Chicago, quelque chose comme une quarantaine d'années, avant qu'il ne s'abandonne trop à mon goût à la musique de centre d'achats comme le dit ma blonde.

Le Chicago qui s'est pointé sur scène peu après 20h était celui que j'ai aimé. Il nous a servi d'un trait la belle suite de son deuxième album, Ballet For a Girl In Buchannon, qui comprend deux de ses premiers succès, Make Me Smile et Colour My World. Les trois cuivres, seuls rescapés du Chicago des débuts avec le claviériste-chanteur Robert Lamm, s'en sont donné à coeur joie même si le son de leurs instruments ne ressortait pas autant qu'on l'aurait souhaité.

En 13 minutes à peine, Chicago a donc joué les sept morceaux de cette suite qui témoigne encore du sens du hook et du talent d'arrangeurs de ces musiciens qui sans être des virtuoses formaient un noyau soudé qui puisait dans différents styles de musique pour en faire un tout portant indéniablement sa signature. Le ton était donné et le public a chaudement applaudi Does Anybody Really Know What Time It Is, du tout premier album Chicago Transit Authority, qui mettait en valeur les cuivres à saveur jazzée et les choeurs, l'autre marque de commerce du groupe.

J'avais oublié combien les chansons de Chicago sont concises et efficaces même quand elles donnent dans la pop conventionnelle. Ça s'est gâté juste au moment où le trompettiste Lee Loughnane a annoncé la chanson qui a changé le cours de la carrière du groupe qui se croyait pourtant au sommet de sa popularité en 1976: If You Leave Me Now. Une ballade générique, sirupeuse comme Chicago en a fait plusieurs et qu'il a encore enfilées hier: (I've Been) Searching So Long, You're the Inspiration et autres Hard To Say I'm Sorry. Des chansons convenues que ne pouvaient rescaper des cuivres bien intentionnés ni un solo de guitare pas rapport plaqué là comme antidote à la narcolepsie appréhendée. Comme en plus leur interprète à la voix haut perchée, Peter Cetera, a quitté le navire en 1985 et qu'il est remplacé par un bassiste-chanteur qui force la note pour lui ressembler, ce ne fut pas mon meilleur moment de la soirée. Quelques spectatrices plus romantiques se sont levées pour chanter en balançant les bras.

Heureusement, ça n'a pas duré toute la soirée. J'ai apprécié la très efficace Mongonucleosis aux accents latins, le doublé Beginnings/I'm a Man où le batteur et le percussionniste ont bien dialogué, la très pop Saturday In the Park qui a fait lever pour de bon le Saint-Denis et l'entraînante Feelin' Stronger Every Day que les cuivres ont conclue en citant Got To Get You Into My Life des Beatles comme l'avait fait le chanteur Robert Lamm dans Beginnings.

Ça s'est terminé dans le délire, après une heure et 45 minutes, avec 25 or 6 to 4. Les nostalgiques qui iront voir Chicago dimanche en ressortiront probablement avec le même sourire que ceux de mercredi. Mais ils rateront le Super Bowl...

Chicago remet ça au Théâtre Saint-Denis ce dimanche, le 5 février, à 20h.