À la demande de sa fille Naomi qui y travaille comme stagiaire, Hugh Rose, avocat brillant et pressé, est venu rencontrer l'éditeur d'Ars Poetica, petite publication au bord de la faillite. Comment s'en étonner? «Une revue qui publie des poètes anglais de Montréal patauge inévitablement dans la médiocrité», lance Hugh (Howard Rosenstein) qui n'a par ailleurs aucune intention de payer les études littéraires que Naomi (Elana Dunkelman) veut poursuivre à New York.

George se fait attendre et l'avocat s'énerve - il a rendez-vous à 13h (avec une «escorte») - mais pas autant que Diane Langlois (Danielle Desormeaux), la représentante du Conseil des arts du Canada, qui arrive à la revue dans tous ses états et même plus. C'est que George doit réécrire avant cet après-midi la demande de subvention d'Ars Poetica, sans laquelle...

L'éditeur (Noel Burton) se pointe enfin et, après avoir calmé les esprits avec un verre de champagne matinal - «Un mimosa sans le jus d'orange» -, expliquera éventuellement, avec son accent gallois, que, oui, bon, il a peut-être pigé une fois ou deux dans les fonds de la revue pour se payer une croisière... avec Diane du Conseil des arts, mais que ce n'est pas là une raison pour abandonner la poésie aux mains d'incultes. On apprendra bientôt que le vieux beau a aussi séduit Julia, la rédactrice en chef de la revue (Paula Jean Hixson)... et la stagiaire de 21 ans!

Ars Poetica, première comédie de l'auteur montréalais Arthur Holden, ne manque pas de ressorts dramatiques et c'est peut-être là le problème de cette pièce mise en scène par Guy Spung et présentée au Bain Saint-Michel: les potentialités dramatiques priment sur l'aspect comique malgré la belle construction de petits chantages et la capacité de Holden à mettre dans la bouche de ses personnages, l'avocat surtout, des répliques coupantes et drôles.

On se dit, entre autres, que George, malgré tout son dévouement à la poésie, va bien finir par payer, même de façon comique, pour ses élans débridés... Mais jamais l'auteur ne le met face à lui-même à cet égard. Quand les filles s'étendent, George les appelle toutes «Precious» et puis voilà!

Vue de l'Est, l'autre faiblesse de cette création réside dans cette caricature de la Québécoise libidineuse que livre Danielle Desormeaux dans le personnage de l'agente du Conseil des arts qui, sans aller contre la «réalité», aurait très bien pu être une Anglo avec les mêmes penchants. Cela se voulait peut-être un clin d'oeil au Montréal francophone, mais les choix artistiques en ont fait un cliché d'une insondable lourdeur.

À retenir par ailleurs: l'énergie intelligente d'Elana Dunkelman, le décor de Veronica Classen qui permet au spectateur de lire sur les murs les poèmes que disent les personnages... et les textos que reçoivent ces derniers sur leurs téléphones intelligents, derniers-nés des instruments de la comédie humaine.

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Ars Poetica, au Bain Saint-Michel, jusqu'au 12 février.