Est-ce parce que c'était soir de magasinage de Noël ou que bien du monde avait préféré acheter des billets pour le Michael Jackson Immortal World Tour du Cirque du Soleil? Toujours est-il que le Centre Bell n'était vraiment pas plein pour la première médiatique de Quidam, version aréna - c'est bien la première fois qu'un tel événement et le Cirque ne rameutent pas une foule. Près de 15 ans après sa création sous chapiteau, le spectacle du Cirque du Soleil a pourtant des atouts de taille.

Quidam est en effet un spectacle réglé au quart de tour, moins triste que le souvenir qu'on en gardait, très aérien et avec des clowns drôles - ce qui n'était vraiment pas le cas il y a 15 ans, ça, on s'en souvient très bien !

En 1996, c'était l'une des premières fois que le Cirque du Soleil avait pour ambition de raconter une histoire intégrée à un spectacle de cirque. La trame inventée par Franco Dragone était et demeure simplissime : une jeune fille (car Zoé n'est plus une enfant, comme c'était le cas dans la version originale) vit avec ses parents indifférents, dont on comprendra qu'ils se séparent un moment donné... Quand un personnage mystérieux et sans tête - le Quidam - vient lui remettre un chapeau melon bleu, on ne sait trop pourquoi, elle plongera dans un monde imaginaire, une fois le chapeau posé sur sa tête. Et franchement, à partir de ce moment-là, l'histoire cesse d'exister pour faire place aux numéros. Et surtout à des images fortes.

Car ce monde imaginaire est peuplé de personnages qui sont soit surréalistes comme dans Alice au pays des merveilles - une lapine géante en robe rouge, une femme en burqa blanche auréolée de rouge... -, soit des villageois d'une autre époque, soit des espèces d'agents de décontamination revêtus de blanc de pied en cap, soit des sosies de Big Bazar!

Le public gardé à distance

Sans maquillage outré ni costumes de latex tape-à-l'oeil, Quidam est d'abord un plaisir visuel, un poème fait d'images qui semblent tirées d'un rêve ou d'un conte de fées pour grandes personnes, moins fou, plus poétique. Moins spectaculaire, plus saisissant parfois. Son décor, qui repose principalement sur un gigantesque téléférique, c'est-à-dire une immense demi-arche à laquelle sont accrochés plusieurs des acrobates pour leur numéro (corde lisse, balançoire, tissu Fazzoli, etc.), convient bien aux arénas. En raison de la distance plus grande entre les spectateurs et la scène que sous un chapiteau, l'atmosphère est moins dramatique, même si la musique de Benoît Jutras l'est beaucoup.

Mais cet éloignement a également pour effet de rapetisser les acrobates en l'air, qui semblent bien petits, pendus là-haut. Sous chapiteau, ces artistes nous passaient au-dessus de la tête. En aréna, ils sont au-dessus de la scène et nous les regardons de côté, des gradins. C'est moins spectaculaire, hélas. Mais c'est moins cher que sous chapiteau...

Ce sont donc, étrangement, les numéros au sol qui coupent réellement le souffle. Que ce soit les jeunes filles au diabolo - hallucinantes -, l'équilibre sur canne, la «banquine» (où une quinzaine de jeunes acrobates font des pyramides vivantes et des affaires vraiment folles, à ne jamais essayer chez vous) ou surtout l'extraordinaire numéro baptisé «La statue» (deux équilibristes qui se servent du corps de l'un et de l'autre pour des acrobaties époustouflantes), les numéros au sol font des merveilles.

Quant au clown Toto Castineiras, lui aussi diablement terre-à-terre, il a fait rire aux éclats tout le monde, petits et grands. On soulignera particulièrement son numéro de «cinéma» où quatre spectateurs sont mis à contribution, pour le grand plaisir des autres spectateurs.

En définitive, donc, un bon spectacle du Cirque du Soleil, qui a plutôt bien vieilli et qui peut compter sur certains numéros inoubliables... que ceux qui les ont vus il y a 15 ans n'avaient d'ailleurs pas oubliés et qu'ils ont regardés de nouveau avec la même admiration. Cela demeure un spectacle tout de même plus introspectif, plus poétique qu'ébahissant. C'est exactement pour ces raisons que le Cirque du Soleil a révolutionné l'univers circassien.

Quidam, jusqu'au 30 décembre au Centre Bell.