La 10e saison de la TOHU s'ouvre la semaine prochaine avec une nouvelle création des 7 doigts de la main. Avec Cuisine et confessions, la troupe montréalaise fait le pari de mixer les arts culinaires avec les arts du cirque. Cette fois, les neuf artistes en vedette se révéleront au public en évoquant leurs souvenirs de boustifaille.

Il faut bien le dire, la compagnie de cirque montréalaise est un peu le chouchou à la crème de la TOHU.

C'est d'ailleurs avec le premier spectacle des 7 doigts de la main, Loft, que la TOHU a ouvert ses portes en 2004. Depuis, toutes les créations de la compagnie dirigée par Nassib El-Husseini y ont eu lieu. PSY, La vie, Traces, Séquence 8... Au fil des ans, la TOHU est devenue leur QG.

La dernière en date, Intersection, a inauguré le festival Montréal complètement cirque l'été dernier. La promesse d'un spectacle immersif a un peu déçu. L'approche théâtrale, où les artistes incarnaient des personnages de fiction (un peu comme dans PSY), ne s'est pas avérée très payante non plus...

Cette fois, les metteurs en scène Shana Carroll et Sébastien Soldevila reviennent aux bribes autobiographiques qui ont fait le charme et le succès de Traces. Les neuf interprètes se révéleront à nous à travers leurs souvenirs de jeunesse, ces derniers formés grâce aux vapeurs de cuisine. Une autre façon de «toucher à l'intime».

Il faut dire que Shana Carroll et Sébastien Soldevila, qui forment un couple dans la vie, sont tous les deux passionnés de cuisine.

La mère de Shana, Sandra Rosenzweig, a travaillé dans les années 70 comme critique gastronomique pour le magazine New West, en Californie, où elle a grandi. Tandis que la grand-mère de Sébastien faisait la cuisine dans un bistro de Paris. D'ailleurs, le cofondateur des 7 doigts nous confie qu'il cuisine «depuis l'âge de 8 ans».

«Un jour, on s'est dit: il faut créer un spectacle de cirque en s'inspirant de cette passion pour la cuisine», détaille Shana Carroll.

Le déclic s'est fait lorsque Shana a mis la main sur un livre écrit par la mère de son beau-père, Suzanne Taylor, Young and Hungry. Ce bouquin inclassable publié en 1970 est à la fois un livre de mémoires et de recettes. «Je trouvais intéressant de voir qu'une recette correspondait à chaque moment de son histoire», nous dit-elle.

Les ingrédients d'un spectacle

La diversité des artistes de cirque s'est révélée un atout dans le contexte. «Non seulement il y avait le côté biographique et anecdotique des interprètes, d'origines diverses, mais il y avait aussi cette idée que la nourriture est indissociable de l'éducation, de la famille et de la culture», précise Shana Carroll.

Québécois, Américains, Argentins et Russes; les interprètes de Cuisine et confessions, réunis dans cette cuisine commune, se sont donné la main pour lier la sauce.

Par exemple, les deux Américains, Sidney Bateman et Melvin Diggs - tous deux finissants de l'École nationale de cirque -, font un numéro d'anneaux chinois (hoop diving) en évoquant leur départ de St. Louis.

«Dans leur cas, le cirque les a vraiment sauvés, précise Shana Carroll, parce qu'ils ont grandi dans un milieu défavorisé et violent.»

Dans Cuisine et confessions, Melvin Diggs se rappelle les omelettes de sa mère, de la même manière que Proust évoquait les madeleines de son enfance. En y rattachant ses souvenirs. Melvin était en effet le seul parmi les cinq enfants de sa famille à ne pas connaître son père. Le samedi, ses frères et soeurs passaient la journée avec leur père...

«Tous les samedis, je me retrouvais en tête à tête avec ma mère, raconte le jeune homme. Elle me faisait toujours son omelette "spéciale", avec du fromage, du jambon, de la dinde, des poivrons... Je pense que c'est parce que j'étais seul avec elle que j'aimais autant ce rituel, dit-il. Même si ça me rappelait aussi l'absence de mon père.»

Anna Kichtchenko, qui a joué dans la version de Loft présentée à Berlin il y a deux ans, fera un numéro de tissu aérien avec une nappe à carreaux roses... La jeune femme d'origine russe, arrivée à Toronto avec son père à l'âge de 4 ans, commence son numéro pendant qu'on lit les ingrédients du bortsch - un plat évoquant ses proches disparus...

Interaction avec le public

Depuis le cabaret-spectacle Queen of the Night, créé à New York le 31 décembre dernier, les cofondateurs des 7 doigts de la main travaillent fort pour faire tomber le quatrième mur qui sépare les artistes des spectateurs. De plus en plus, le public est interpellé par les interprètes.

Sans révéler les secrets de cuisine des 7 doigts de la main, Cuisine et confessions invitera les spectateurs à mettre la main à la pâte.

«Nous allons cuisiner sur scène avant et pendant le spectacle, et vous sentirez les parfums de ce que nous allons préparer. On a fait appel aux frères Mat et Alex Winnicki, qui ont un kiosque de cuisine asiatique au marché Atwater (Satay Brothers), pour créer les recettes», laisse entendre Shana Carroll.

Jonglerie, diabolo, mât chinois, tissu, anneaux, main à main, banquine et jeux icariens seront les disciplines à l'honneur. Les numéros de cirque ont tous été créés à partir des historiettes dévoilées par les artistes, qui chanteront et joueront sur scène. La musique, omniprésente, a été composée par Nans Bortuzzo, Colin Gagné, Spike Wilner, Rafael Cruz...

«La musique prend toujours une place importante dans nos créations, nous dit Shana Carroll. Cette fois, on n'a que de la musique originale composée spécifiquement pour ce spectacle. Avec les confessions des interprètes, ça contribue à créer un spectacle vraiment intime.»

À la TOHU, du 28 octobre au 16 novembre