Le joli conte de Gilles Vigneault, Léo et les presqu'îles, prendra vie sur scène à l'occasion du Festival international de la littérature. C'est Jessica Vigneault qui assure la direction artistique et musicale de ce spectacle hybride dans lequel les chansons du poète de Natashquan viendront ponctuer le récit initiatique de ce petit garçon qui part sur les traces de son père disparu en mer.

Jessica Vigneault aime bien ce conte de son père qui se raconte en suivant les doigts de la main - chacun représentant une des presqu'îles que Léo visite. «J'aime ce concept de compter dans la main, c'est sensoriel, affectueux, tendre et imagé. C'est comme si on se promenait dans notre corps, dans notre propre histoire.»

Chaque rencontre que Léo fait lui permet d'en apprendre un petit peu plus sur lui et sur la vie, et le petit aventurier sort de cette aventure grandi. Le thème de ce conte rejoint celui du FIL cette année, qui est celui de la transmission, estime Jessica Vigneault. «On sent cela dans l'histoire, cette loyauté, cette entraide. La transmission, c'est aussi transformer une expérience difficile en quelque chose de très positif et, quand c'est bien canalisé, ça donne une direction à une vie.»

Enfance

Jessica Vigneault a passé son enfance bercée par les histoires que son père leur racontait tous les soirs à elle et ses frères - «Je pense qu'il se pratiquait sur nous, qu'il testait sa machine créative». Et pour elle, il est important de les redonner aux enfants d'aujourd'hui. «C'est pour ça que je veux que ce soit bien fait. Il n'est pas question de tourner les coins ronds.»

Ceux qui connaissent le disque de Léo et les presqu'îles, enregistré par La montagne secrète il y a trois ans, ne retrouveront pas exactement la même chose sur scène. Plutôt que d'entendre le conte d'abord, puis les chansons les unes à la suite des autres, les deux aspects seront imbriqués. C'est Pascale Bussières qui assure la narration de l'histoire - elle incarne tous les personnages -, et les six interprètes viendront la ponctuer avec des chansons qui sont en lien avec l'action.

«C'est un genre d'hybride parce que ça peut ressembler à une comédie musicale, mais ce n'est pas non plus enchaîné comme à Broadway. On reste dans la tradition du conte.» Et la pianiste a tenu à s'entourer de quatre musiciens surtout issus de la scène jazz, question d'insuffler une dose de créativité au sein de ce spectacle qui risque d'être stimulante autant pour les enfants que pour leurs parents.

«Il me semble que ça peut être excitant pour les oreilles des enfants de nous sentir en improvisation, en état d'alerte. C'est pour ça aussi que je voulais leur donner accès à des sonorités de flûte, de clarinette, de contrebasse. Je voulais qu'ils entendent ces timbres.»

Plusieurs des pièces qu'elle a composées avec son père pour ce conte ont d'ailleurs un côté traditionnel qui sonne un peu comme des gigues irlandaises. Sur scène, on entendra ces chansons originales, et plusieurs autres du répertoire de Vigneault, qu'elle a choisies parce qu'elles peuvent avoir un lien avec l'histoire - dont Les outils, J'ai pour toi un lac, Si les bateaux, Ton père est parti et Au loin sur la mer.

Grand capitaine

Si Jessica Vigneault a travaillé à la mise en forme du spectacle avec la metteure en scène Marie-Eve Huot, elle rappelle tout de même qu'il y avait, tout près, un «grand capitaine» qui veillait sur les opérations. «Je consulte mon père pour toutes les décisions importantes.»

Mais s'ils ont travaillé si souvent ensemble, c'est bien sûr parce qu'ils sont en général sur la même longueur d'onde. «Et si on n'est pas d'accord, c'est lui qui décide. En fait, j'arrive souvent avec des dilemmes, et je me range toujours de son avis. Nous ne nous sommes jamais retrouvés en situation de conflit. Nous bâtissons et trouvons une solution ensemble.»

Jessica Vigneault sait qu'elle est chanceuse de pouvoir collaborer aussi étroitement avec son père, et d'apprendre constamment de lui. «Je n'ai pas de difficulté à le dire: il a été mon maître en écriture. On se fait confiance et il a la bienveillance de me traiter comme une égale. Moi je le traite de la même manière, mais aussi comme une autorité: il faut rendre à César ce qui revient à César, il a un métier et un savoir-faire que je respecte. Alors à chaque occasion que j'ai d'être à ses côtés, je suis comblée.» C'est ça, la transmission.

> Léo et les presqu'îles. Narration de Pascale Bussières, avec Édith Butler, Guillaume Cyr, Pierre Flynn, France Bernard, Julie Massicotte et Jessica Vigneault. Samedi 21 septembre à la Cinquième salle de la Place des Arts.