L'actrice japonaise Miki Nakatani rêvait d'ouvrir un ryokan lorsqu'elle a été happée par le show-business à la fin de l'adolescence. Elle a joué depuis dans des dizaines de séries télé et de films, en plus d'enregistrer quelques disques. La star japonaise séjourne à Montréal où, sous la direction de François Girard (Soie), elle fera ses débuts au théâtre.

Le dévoilement de la prochaine saison de l'Usine C débutait à peine lorsque François Girard et Miki Nakatani ont été invités à dire quelques mots au sujet de la pièce que l'actrice inteprétera en septembre, Le fusil de chasse. Le corps cintré dans un kimono blanc, la star nippone a fait un bref salut avant de s'installer à la droite de son metteur en scène, sans quitter ce sourire pincé et ce maintien rigide qui lui conféraient l'aura d'un lumineux glacier.

Trois heures plus tard, dans le foyer du théâtre, l'actrice a quitté son costume traditionnel et donne maintenant l'impression de sortir d'une séance de yoga. Sa chevelure noire tombe librement sur ses frêles épaules, elle sourit gentiment et se raconte un peu en français, échappe quelques phrases d'anglais, mais parle surtout japonais, avec une application et un calme relayé spar un traducteur consciencieux. En mode décontracté, elle s'avère franchement plus sympa.

Miki Nakatani a appris le français il y a quelques années grâce à la méthode Berlitz. Par envie et parce qu'elle en avait le loisir. Imaginer qu'elle ait pu avoir des temps libres depuis le début des années 90 n'est pas facile. En 15 ans, l'actrice de 35 ans a tourné plus d'une trentaine de films et de séries qui en ont fait une grande star au Japon. Hors de l'Asie, sa renommée tient surtout à ses participations aux films d'horreur Ringu (The Ring) et à son rôle de Madame Blanche dans Soie de François Girard.

Entre 1995 et 2001, elle a aussi enregistré quelques disques de chanson pop composés par Ryuichi Sakamoto. En fouinant sur YouTube, on retrouve même des images d'une performance live de son tube bonbon Mind Circus, interprété avec nul autre que le guitariste Arto Lindsay, un musicien pourtant connu pour ses affinités avec des créateurs versés dans l'expérimentation.

L'actrice s'étonne un peu d'entendre un étranger lui parler de ses disques et affirme avoir tourné la page sur sa carrière de chanteuse pop. «Je n'étais pas une très bonne chanteuse, dit-elle en souriant. J'ai fait des disques parce que je voulais travailler avec Ryuichi Sakamoto. Je rêvais aussi de jouer dans un film dont la bande sonore était composée par lui. J'ai réalisé cet autre rêve avec Soie.»

»Tombée» dans le showbiz

Se laisser porter par le courant semble avoir été un bon plan de carrière pour Miki Nakatani jusqu'ici. De son propre aveu, c'est par accident qu'elle est «tombée» dans le show-business. «Je ne sais pas pourquoi, mais c'est ma vie!», lance en français la jeune femme qui a été sollicitée dès la fin de l'adolescence pour apparaître dans des publicités et des émissions de télé.

Avant d'accepter ces invitations, elle rêvait plutôt d'ouvrir un ryokan, auberge typiquement japonaise faite de bois, de bambou, de cloisons de papier et de portes coulissantes. Elle imaginait un établissement offrant massages, bains thermaux et nourriture traditionnelle où elle aurait pu se consacrer aux arrangements floraux. «En Occident, les bouquets sont très fournis, mais au Japon, on peut faire des arrangements avec une fleur ou deux, précise-t-elle. Il faut faire vivre l'espace vide.»

Son prochain rôle, elle l'endossera à l'instigation de François Girard qui, après avoir monté Le fusil de chasse en français l'an dernier avec Marie Brassard, lui a proposé de reprendre le rôle en japonais. Ce n'est pas une mince affaire. Miki Nakatani n'a jamais joué au théâtre, si ce n'est dans la foulée d'ateliers de nô ou de danse traditionnelle.

«Ça me fait peur, admet-elle. Je n'aime pas tellement être devant les gens... Je ne sais pas pourquoi je fais du show-business!» L'actrice nippone se prépare néanmoins avec application à fouler les planches de l'Usine C au mois de septembre. Elle est arrivée à Montréal le 22 juillet. «Mais j'ai dû attendre François, car il était en vacances», s'amuse-t-elle. Elle en a profité pour bien apprendre son texte et préparer son corps.

Défi apaisant

Travailler avec le réalisateur du Violon rouge s'avère une expérience apaisante pour la Japonaise, qui décrit le cinéma de son pays comme un univers de gros budget et de gros stress. «François arrive à tirer le meilleur des gens et à transmettre sa passion aux gens qui l'entourent, a-t-elle constaté. C'est quelque chose qui me manquait dans ma carrière jusqu'à maintenant. Il dit que travailler sur ce spectacle-là est thérapeutique pour lui et ce l'est aussi pour moi.»

Le fusil de chasse a été adapté d'un court récit épistolaire de Yasushi Inoué. Il tient pour l'essentiel en trois lettres adressées à un même homme par sa femme, sa défunte maîtresse et la fille de celle-ci. Trois versions d'un amour illicite qui rappellent avec délicatesse et acuité combien les apparences sont trompeuses et que même les confessions écrites ne disent pas toujours la vérité.

Miki Nakatani pressent d'emblée que son principal défi sera de faire preuve d'un magnétisme suffisant pour captiver un auditoire pendant 90 minutes. «Ce n'est pas le genre de pièce qui va réjouir l'assistance et se terminer sur des acclamations, prévoit-elle. Mais c'est une pièce qui va rester longtemps dans la tête et le coeur des gens. C'est comme ça que je me suis sentie, moi, quand j'ai vu la version avec Marie Brassard sur DVD.»

Le fusil de chasse, du 7 au 10 septembre à l'Usine C.