Prenant au pied de la lettre l'expression voulant que les voyages forment la jeunesse, le dramaturge et metteur en scène Wajdi Mouawad a lancé un vaste chantier de la pensée, auquel participeront 50 adolescents issus de cinq villes francophones, intitulé Avoir 20 ans en 2015. Dix jeunes montréalais sont de cette aventure humaine et intellectuelle qui s'amorce officiellement la semaine prochaine avec un séjour d'une semaine à Athènes, en Grèce, où ils assisteront à la trilogie Des femmes, tirée de Sophocle.

«Ce serait réducteur de dire que ce projet se résume à un voyage par année», précise d'emblée le comédien Richard Thériault, venu représenter le projet au TNM, hier, en l'absence de Wajdi Mouawad. Le metteur en scène était retenu en France, près de Bordeaux, où sont données ces jours-ci les premières représentations des pièces qui composent l'ensemble Des femmes, spectacle qui a suscité la controverse plus tôt cette année en raison de la participation du controversé rockeur Bertrand Cantat.

Plateforme virtuelle

Avoir 20 ans en 2015 n'est pas seulement axé sur les voyages, même si les jeunes iront notamment à Lyon et à Auschwitz au cours des deux prochaines années. L'idée maîtresse du projet, c'est d'interroger la résonance des tragédies de Sophocle dans le monde d'aujourd'hui et de créer un espace (une plateforme virtuelle, notamment) que les 50 adolescents de Mons, Namur, Nantes, Montréal et de La Réunion pourront utiliser pour partager leurs réflexions et les créations inspirées par le contact avec ces oeuvres.

En jouant les guides intellectuels, l'homme de théâtre souhaite de toute évidence contribuer à former des esprits curieux et des citoyens articulés. Richard Thériault et Lorraine Pintal, directrice artistique du TNM, partenaire du projet, insistent en effet pour dire que le projet placera les jeunes dans des contextes favorables aux discussions politiques et philosophiques. Sophocle servira en outre de tremplin à une exploration artistique et intellectuelle étalée sur toute l'année, puisque les participants seront invités à assister à différents types de spectacles présentés dans leur ville. «Ce n'est pas de l'enseignement, c'est un partage dans un contexte de liberté», précise le comédien.

Apprendre autrement

Apprendre autrement, c'est en partie ce qui a motivé Nadjib Bouazouni à poser sa candidature. «On peut découvrir le monde à travers la littérature, mais ce n'est pas la même chose que d'aller sur place et rencontrer les gens», juge le garçon de 16 ans. Il est très enthousiaste à l'idée d'échanger avec d'autres, plutôt que de simplement écouter un professeur. À ses côtés, Justine Minh Hien, 14 ans, explique que le projet représente pour elle une occasion unique d'élargir ses horizons et de moins juger les autres. «On voit souvent les choses en surface, mais quand on les comprend, on arrête de juger», expose-t-elle.

Les huit autres Montréalais sélectionnés (Natasha Beaudin Pearson, Vladimir Belova, Éléonore Brieuc, Benjamin Charette, Juliane Choquette Lelarge, Alexis Curodeau Codere, Quentin Gagnon et Anne-Marie St-Louis) ont tous 15 ou 16 ans et vivent dans des quartiers aussi divers que Rosemont, Notre-Dame-de-Grâce, Verdun et Hochelaga-Maisonneuve. L'initiative doit donner naissance à une exposition des oeuvres créées par les adolescents présentée à Mons, petite ville belge nommée capitale culturelle de l'Europe pour l'année 2015.