Le Rideau Vert ouvre sa nouvelle saison avec une pièce de Maxime Gorki, qui réunit pour la troisième fois dans ses murs le metteur en scène d'origine russe, Alexandre Marine, et la comédienne Sylvie Drapeau, qui tient le rôle principal de ce drame familial campé dans la Russie prérévolutionnaire.

Denise Filiatrault avait vu juste en disant qu'ils étaient faits l'un pour l'autre. Si l'on se fie à leurs deux dernières collaborations, Un tramway nommé Désir (2009) et Marie Stuart (2007), toutes deux présentées au Rideau Vert, on peut s'attendre à une autre pièce marquante avec cette adaptation de Vassa.

Lorsqu'il a songé à monter ce drame de Maxime Gorki, Alexandre Marine a tout de suite pensé à Sylvie Drapeau. C'était il y a «quelques années», mais la comédienne n'était pas sûre de saisir sa démarche, confie-t-il. Ce n'est que plus tard que tout s'est éclairci (pour lui et pour elle) et qu'elle a accepté de défendre le rôle de Vassa Geleznova.

«Sylvie est faite pour l'amour, commence par nous dire Alexandre Marine. Elle a aussi la fragilité et la force qu'il faut pour interpréter le rôle de cette femme qui doit prendre des décisions difficiles au nom de l'amour, même si ses choix sont amoraux. Elle doit faire des sacrifices importants pour le bien de sa famille. On ne peut pas ne pas aimer Sylvie, et pourtant, elle va franchir des seuils interdits.»

L'histoire imaginée par Gorki commence alors que le commerce familial est au bord de la faillite et que le père de famille, alcoolique, se meurt. Tout le monde veut prendre sa part et quitter le navire. Et chacun a ses intérêts particuliers. Vassa, la mère de famille, cherchera à imposer sa façon de faire, de manière à sauver l'entreprise et protéger les siens, dont ce fils révolutionnaire emprisonné pour agitation sociale.

Écrite en 1910, dans une période de grande incertitude en Russie, Vassa a été adaptée par Alexandre Marine avant d'être traduite en français par Anne-Catherine Lebeau, collaboratrice de longue date (qui a notamment traduit l'adaptation russe d'Un tramway nommé Désir... de Marine, présentée l'an dernier).

«C'était une période, entre les deux révolutions, où la morale changeait, parce que le monde changeait, indique Alexandre Marine. Où il n'était pas aisé de dire qui a tort et qui a raison. D'un point de vue politique, social ou simplement humain. En ce sens, nous vivons un peu la même chose aujourd'hui...»

Une deuxième version, plus connue et plus souvent jouée, a été écrite en 1935, peu avant la mort de l'auteur. «Mais, précise Alexandre Marine, Gorki était alors entouré des membres du Parti communiste. Je préfère sa première version, dit-il, parce qu'il n'avait aucune attache politique. D'ailleurs, le titre original était simplement: La mère

Serait-ce donc une pièce sur le matriarcat? «D'une certaine manière, oui. C'est en effet très féminin comme univers, convient le metteur en scène. Mais c'est encore plus une pièce sur la psychologie féminine. Et peut-être aussi un hommage aux femmes de pouvoir qui préservent la vie, contrairement aux hommes de l'époque, plus tyranniques.»

L'action se passe essentiellement à l'intérieur d'une maison. Mais Alexandre Marine, dans son adaptation, a voulu agrandir l'espace pour montrer à quel point ce drame ne concerne pas seulement les personnages de Gorki, qui ont vécu au début du XXe siècle, mais qu'il s'adresse en fait à nous tous aujourd'hui. «Parce que rien dans les relations humaines n'a changé en 100 ans», dit-il.

«Pour créer cet immense espace, nous avons utilisé des miroirs et imaginé un grand jardin qui symbolise l'espoir et l'amour, et où nous transportons le spectateur de temps à autre. C'est un travail d'équipe. Jasmine Catudel a travaillé sur le décor; Jessica Poirier-Chang, une des designers les plus talentueuses de Montréal, sur les costumes; et mon fils Dmitri a composé la musique.»

Outre Sylvie Drapeau et Jean-François Casabonne - qu'Alexandre Marine a dirigé dans La métamorphose, de Kafka -, tous les autres acteurs sont de nouveaux collaborateurs pour le metteur en scène: Catherine De Léan, Marc Paquet, Hubert Proulx, Roger Léger, Évelyne Brochu, Geneviève Schmidt et Émilie Gilbert complètent ainsi la distribution.

Mais les projets d'Alexandre Marine ne s'arrêtent pas là. Il continue de travailler et de jouer en Russie, où il a un pied-à-terre. Et comme il ne veut pas se limiter qu'aux auteurs russes, il présentera en janvier, au Théâtre Tabakov de Moscou, son adaptation du roman En attendant les barbares, du Sud-Africain John Maxwell Coetzee, qu'il qualifie d'«un des meilleurs romans du XXe siècle». Rien de moins.

Vassa, au Rideau Vert du 14 septembre au 16 octobre.