Deuxième création de Sylvie Drapeau et Isabelle Vincent (après Avaler la mer et les poissons, qui traitait de l'amitié), Les saisons aborde le thème de la famille en s'intéressant à quatre soeurs réunies dans la maison de leur enfance, le temps d'une tempête, pour souligner les 80 ans de leur père.

Théâtre réaliste axé sur les relations qu'entretiennent les soeurs entre elles, mais aussi des rapports tortueux qu'elles ont avec leur père, Les saisons comporte heureusement un élément de suspense, puisque dès la première scène, on apprend que la mère est partie, on ne sait où, «vivre sa vie».

Toute la pièce est construite autour de cet élément-clé, qui donne un peu de souffle aux trop longues scènes qui font état de l'attachement du vieil homme pour sa terre et de son incapacité à communiquer avec ses filles, comme de sa difficulté à «suivre» sa femme dans ses rêves ou ses projets personnels.

En dépit du haut niveau de jeu des comédiennes (Isabelle Vincent et Annick Bergeron sont particulièrement brillantes), ce récit de famille reste un peu plat. Comme trop collé sur la réalité. Ces quatre soeurs plutôt sympathiques, même si elles ont des caractères opposés, peinent à faire décoller ce drame familial.

L'excellent comédien Pierre Collin compose un personnage blessé, bourru et colérique qui n'est pas banal, mais qui aurait gagné à nuancer son jeu. Lorsqu'il sourit à sa fille cadette et lui dit: «Toi, tu peux rester, tu me fais du bien», ça paraît faux. Ça tranche trop avec sa dureté presque caricaturale.

Règlement de comptes

Les cinq personnages imaginés par les deux auteures et comédiennes n'aiment visiblement pas la confrontation. Ils préfèrent encaisser et mettre sous le tapis. Mais voilà, le tapis est tellement gondolé qu'il devient pratiquement impossible de marcher dessus. D'où cet étalement de rancunes.

Au départ assez guillerettes, les quatre soeurs se révèlent peu à peu à elles-mêmes, laissant derrière elles les petites filles qu'elles étaient jadis. Elles vont se dire leurs quatre vérités, au risque de se blesser. Ce crescendo culmine avec le face-à-face qu'elles ont (en particulier le personnage d'Alizé) avec ce père difficile et maladroit.

Si certaines scènes parviennent à nous émouvoir, grâce au jeu relevé des comédiens et à l'habile mise en scène de Martine Beaulne, notre seul intérêt dans cette histoire est de savoir ce qu'il est advenu de la mère, admirée par les quatre filles, chacune pour des raisons différentes. Et aussi, du sort qui sera réservé à la terre familiale, convoitée par certains.

Tout le reste fait peut-être volontairement office d'écran de fumée, mais en attendant que se dénoue le drame, et malgré l'ambiance sonore annonciatrice d'un grand malheur, le temps s'étire inutilement dans l'ordinaire.

Les saisons, du Théâtre de la Manufacture, à Espace Go jusqu'au 24 avril.