Pari audacieux au Prospero avec la présentation de YEL, une pièce de Hanokh Levin au confluent de la comédie bouffonne et musicale, du cabaret, du tragique et de l'absurde. Rencontre avec le metteur en scène Claude Lemieux, à l'origine du projet.

Claude Lemieux avoue avoir eu un coup de coeur en lisant ce texte de Hanokh Levin. C'était il y a trois ou quatre ans, à Paris. Une amie de l'acteur et metteur en scène le pressa de lire l'oeuvre de ce prolifique dramaturge israélien, mort en 1999. Et traduit en français depuis à peine huit ans.

«J'ai commencé par ses pièces philosophiques, raconte Claude Lemieux. Puis, j'ai lu ses comédies cruelles. Quand j'ai lu YEL, j'ai tout de suite eu envie d'en faire un spectacle. D'abord, Levin a une très belle écriture, et puis les dialogues sont punchés, ils sont à la fois drôles et cruels.»

L'histoire de YEL gravite autour de deux personnages, Itamar Yaacobi et David Leidental, deux amis de toujours déchirés par la présence d'une femme (bien sûr!). Yaacobi décide de mettre fin à sa relation amicale pour se consacrer tout entier à celle, amoureuse, qui l'unit à Ruth.

C'est le point de départ de cette comédie ancrée dans le quotidien de ces trois personnages ordinaires en quête d'amour. «Ce que j'aime dans cette pièce, poursuit Lemieux, c'est le mélange des genres. C'est une comédie, bien sûr, mais avec une touche d'absurde, de tragique. Et puis, il y a 12 chansons dans la pièce!»

D'où le défi, selon le metteur en scène, de trouver des acteurs solides, également capables de chanter. L'équipe de création a finalement jeté son dévolu sur Manuel Tadros et Roc LaFortune, qui joueront le duo d'amis. Kathleen Fortin interprétera le rôle de Ruth.

«Je suis vraiment très content du choix des acteurs, nous dit Claude Lemieux. Ils correspondent physiquement aux qualités et aux contrastes que je cherchais, et ils sont tous les trois très bons. Leurs personnages évoluent au fil de la pièce, révélant peu à peu leur nature profonde.»

Comme ce Leidental dans le rôle de la victime, mais qui s'avère finalement assez fin manipulateur. Après le mariage de son ami Yaacobi, Leidental s'offre comme cadeau de mariage. Yaacobi refuse, mais sa femme accepte... Humilié, il lancera à son ami: «O.K. Mais il faut savoir qui est le marié et qui est le larbin!»

Toujours selon le metteur en scène, l'intérêt du texte de Levin réside aussi dans les multiples niveaux de jeu: les dialogues entre les trois personnages; les apartés, où les personnages s'adressent directement au public ou à eux-mêmes; et puis les chansons. Trente tableaux se succèdent donc dans YEL. Avec des scènes très courtes où tout se déroule assez rapidement: Yaacobi et Ruth se rencontrent, se séduisent, et se marient en l'espace de trois ou quatre scènes. Il y a vraiment un côté volontairement loufoque, bouffon.

«Le regard poétique de Hanokh Levin sur les travers humains, sur les noirceurs de la nature humaine est un regard tendre et compatissant. Il nous montre aussi que la prise de conscience de notre nature humaine peut nous amener à être de meilleurs humains», conclut Claude Lemieux.

YEL, au Théâtre Prospero du 19 janvier au 3 février.

====

 

Claude Lemieux, pas le joueur de hockey, mais...

La confusion a jadis régné entre le comédien et l'ex-joueur de hockey du Canadien, «qu'on aimait haïr». Un jour, Claude Lemieux le comédien a reçu l'appel d'une jeune femme qui lui a fait cette déclaration: «Claude Lemieux, je suis amoureuse de vous, je vous trouve tellement beau. J'aimerais vous rencontrer...» «Moi, raconte-t-il, je commençais à jouer beaucoup. J'avais eu un rôle important dans L'idiot, de Dostoïevski. Alors, je lui ai répondu: Ah bon. Mais où est-ce qu'on s'est rencontrés? Elle m'a répondu: mais sur la patinoire! Alors, je lui ai dit que non, je n'étais pas le même Claude Lemieux, et elle s'est excusée... Deux mois plus tard, j'ai reçu un autre appel, d'une autre jeune femme, qui m'a dit: Claude Lemieux, je vous trouve tellement bon, j'ai vraiment envie de vous rencontrer. Alors, je lui ai dit: écoutez, je suis désolé, je ne suis pas le joueur de hockey, je fais autre chose dans la vie. La jeune femme m'a répondu: je sais, vous êtes comédien!»