Elle est acadienne, habite à Moncton ou Montréal selon ses humeurs, enregistre à Toronto de passionnés albums de chanson rock qui sont diffusés par Endearing Records, un label indépendant de Vancouver. Revoici Julie Doiron, la plus «canadienne» des musiciennes canadiennes, avec son excellent septième album I Can Wonder What You Did with Your Day.

Suivre le parcours de Julie Doiron, c'est aussi risquer de perdre le fil discographique de cette prolifique auteure, compositrice et interprète. Septième album? C'est sans compter les EP, les singles, les nombreuses collabrations avec d'autres musiciens (canadiens et américains) et, surtout, ses débuts avec le groupe Eric's Trip qui, dans les années 90, avait mis le rock alternatif canadien sur la carte après avoir signé un contrat avec le mythique label Sub Pop.

 

C'est justement un peu du rock chaotique d'Eric's Trip qui remonte à la surface des chansons de I Can Wonder What You Did With Your Day, concède Julie Doiron, jointe la semaine dernière à Austin, Texas, où elle participait à la grande messe musicale indépendante de South by South West.

«J'avais tenté ça aussi avec le précédent album (Woke Myself Up, paru en 2007), revenir à ce que je faisais avant. Cette fois, je sens que je suis plus près de mon but.»

Aussi, ses chansons ont eu le temps de vivre sur scène avant d'être captées en studio. Pendant des mois, Julie, sa guitare électrique et son batteur Fred Squire ont usé les compositions sur les planches. Le réalisateur Rick White - ex-chanteur et guitariste d'Eric's Trip, qui joue aussi de la basse sur le disque - a parfaitement su traduire le tonus de ces interprétations qui transpirent l'expérience et la maturité.

«Le côté rock, les pédales qui transforment le son de la guitare, je me sens très à l'aise là-dedans. Tu sais, c'est sympa de revenir à mes origines, quand j'ai commencé avec Eric's Strip - le gros son, le bruit, même si c'est encore bien loin de ce qu'on faisait à l'époque!» ajoute Doiron, quelque peu ricaneuse.

Composé en partie durant l'hiver et lors de l'enregistrement même du disque l'été dernier, I Can Wonder... est un disque qui, sans être intimiste, nous glisse dans une proximité certaine avec la musicienne. Ses thèmes personnels et impudiques font vibrer notre corde sensible. «C'est ce que je voulais atteindre, dit Doiron. Je pense qu'il faut laisser respirer les chansons, j'avais envie de contrastes. Je compose toujours des chansons qui peuvent se réduire à leur plus simple expression.»

Julie Doiron est une artiste faite de contrastes - de la pochette jusqu'à sa vie de musicienne nomade. «Vous la trouvez troublante, ma pochette? dit-elle, franchement étonnée. Pour moi, ça fonctionne: les deux enfants qui ont l'air fâché, même s'ils sont déguisés, et pourtant des chansons positives et joyeuses. C'est comme la vie, quoi: des moments sérieux, des moments où on a envie de rire».

Fait de multiples rencontres, son parcours professionnel l'a amenée à travailler avec une tribu de musiciens d'ici et des États-Unis, sans jamais s'implanter dans une scène musicale spécifique, «sauf quand j'étais dans Eric's Strip, c'était la scène des Maritimes - celle de Moncton, pour être précise. J'ai habité pendant six ans à Montréal, mais je ne me suis jamais identifiée à cette scène. J'avais des amis musiciens à Montréal, mais je ne sortais pas beaucoup parce que mes enfants étaient très jeunes.»

«Comme je voyage beaucoup, partout au pays, au Nouveau-Brunswick - et à Montréal, où je suis revenue depuis un an et demi -, je ne pense pas que je pourrais m'attacher physiquement à un lieu. J'ai des amis partout, je peux collaborer avec quelqu'un de Washington, comme Phil Elvrum (du projet Mount Eerie qui a lancé le très bon album Lost Wisdom l'année dernière), comme avec des musiciens européens, lorsque j'ai la chance d'y aller. Je suis bien comme ça...»

Julie Doiron, en concert au Il Motore, ce soir, et à la salle André-Mathieu de Laval, le 18 avril.