Mononc' Serge présente pour la dernière fois ce soir à Montréal son spectacle avec ses «Accommodements raisonnables». Rencontre avec un parolier doué, qui érige l'invective de mauvais goût en quête artistique.

Les musiciens du Sarge Jazz Band peuvent bénir la Charte canadienne. Pendant longtemps, Mononc' les a affublés d'habits jazz brun rétro, style «Salt Peanuts». Puis le débat sur les accommodements raisonnables a éclaté.

Ils ont pris connaissance de l'article 2 de la Charte, garantissant la liberté de religion. Ils se sont battus en Cour suprême. Leur bourreau a perdu. Depuis, David Valentine (basse), Peter Paul (guitare) et Marc-André Brazeau (batterie) peuvent revêtir sur scène les costumes de leur religion respective - la communauté Hassibite, les Apôtres du Egg Roll Infini et l'Ordre du Taj Maharde. Quant à lui, l'Oncle a adhéré à «Al-Qanada, un groupuscule islamo-fédéraliste qui défend un désert d'idées».

Voilà la fable sur la genèse du projet des «Accommodements raisonnables», concoctée par Mononc' lui-même.

«Après deux ans à tourner le disque Serge blanc d'Amérique avec le Sarge Jazz Band, j'ai voulu changer la mise en scène. C'était au début de l'histoire d'Hérouxville. Dans le local de pratique, un des gars a suggéré de s'en moquer. La fable vient de là. Dans le concert, la musique reste la même, on change seulement des interventions et bien sûr les costumes», raconte-t-il.

Nous sommes dimanche soir, dans un café d'Hochelaga-Est. Serge Robert se montre affable. Un peu endormi aussi. Notre collègue Marie-Christine Blais l'a déjà comparé à Dr Jekyll et Mr Hyde. C'est clairement Serge Jekyll qui grignote tranquillement son biscuit devant nous. Jekyll l'ancien étudiant en histoire et philo, éloquent et réfléchi, au ton posé.

Mais dès qu'il saisit la plume, l'homme se transforme en redoutable satiriste.

Il décoche flèche après flèche trempée dans le venin pour invectiver ses souffre-douleurs: les obèses, les hippies, le Canada et le vedettariat québécois, sans oublier les calembours scatologiques et l'envie de se mettre qui le démange comme une maladie.

«Ceux qui viennent me voir savent à quoi s'attendre, résume-t-il. (...) En dehors de mon public, ça peut offenser un peu plus. Il y a déjà eu un ou deux incidents, entre autres avec la chanson Grosses torches acadiennes. Quand des Acadiens ont vu une annonce pour un de mes spectacles, ils ont demandé et réussi qu'on l'annule.»

Dommage pour eux. Car Hyde Robert constitue une terrible bête de scène. Ses délires, il les beugle tantôt perché sur un tabouret, tantôt en se roulant par terre, en utilisant plus sa bière comme un shampoing que comme un rafraîchissement.

«Faire ça comme métier, c'est assez incroyable, explique-t-il en souriant. C'est un exutoire pas possible.»

Aucune crédibilité

Depuis quelques années, le public de Mononc' a passablement changé.

«Tout a commencé avec Marijuana, explique-t-il. Avec cette chanson-là assez heavy, j'ai commencé à attirer un public de fêtards. Par exemple, des jeunes en calotte un peu saouls qui me crient: enwouèye Mononc', astie, joue Marijuana. J'étais désarçonné au début. C'était un nouvel univers pour moi.»

Ce contraste, l'ex-nerd du Collège Notre-Dame s'en moque en traitant parfois son public de squeegee ou de morons, entre une moquerie sur Laval et une référence à Haydn ou Heidegger.

«Les gens rient, ils comprennent rapidement que je n'ai aucune crédibilité, s'esclaffe-t-il. D'ailleurs, je chante aussi sur scène une nouvelle toune, Tout le monde se crisse de Mononc' Serge. Je me dirige vers ça pour mon nouveau disque, qui devrait paraître à la fin de l'année. Après avoir ri des autres, je ris de moi. Peut-être que je reviens aux sources. Quand tu y penses, ma première chanson endisquée avec les Colocs, c'était Je chante comme une casserole

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En concert ce soir à 22 h à la Zone Molson Dry. Gratuit.