Sur papier, le «potluck» - une bouffe où chaque convive doit apporter un plat - est une idée alléchante. Mais dans la réalité, même si tout le monde se donne à fond pour que sa spécialité soit la star du buffet, le résultat est généralement décevant. Aussi réussis soient-ils, des sushis servis avec une lasagne au bleu et une platée de pad thaï peuvent transformer un concept marrant en indigestion collective.

Mais assez de métaphores culinaires, et parlons plutôt de Maboul, ce «cabaret/work in progress» pour toute la famille. Le succès de La Clique - vous savez, ce délectable cabaret intime qui, en 2006 et 2007, a fait jubiler les festivaliers de Juste pour rire - a donné le goût aux gens de Juste pour rire de poursuivre dans la veine cabaretière. Mais même si on a bien noté les étapes de l'exécution d'une recette, on ne peut jamais cloner une bonne idée, même en recrutant partout sur le globe les artistes les plus ingénieux.

Sur la scène de la salle André-Mathieu à Laval, sont donc réunis une vaste brochette d'artistes internationaux qui, pour la majorité, font preuve d'originalité et d'innovation. Irrésistibles, par exemple, les marrants Chicos Mambo - vus l'année dernière au Fringe d'Édimbourg - des mecs qui se travestissent en danseuses bollywoodiennes ou en gymnastes olympiques. Et impressionnantes, les contorsions dans une boîte d'Artium Riis et les cabrioles vocales d'Alexandre Chassagnac.

Sauf que le problème, avec Maboul, reste l'absence d'unité et d'esprit de corps entre tous ces artistes recrutés un peu partout sur le globe et réunis à Laval. Des artistes qui, soit dit en passant, auraient tous été parfaits pour animer les rues du Festival Juste pour rire. De sorte qu'entre les captivants moments créés par le jongleur de citrons Gemi, l'acrobate Anatoli ou la cavalerie volante de Court-Circuit, Maboul dérive quelquefois vers l'ennui et une certaine incohérence.

Puis, en l'absence d'un MC pour présenter les artistes, le spectateur de Maboul se sent un peu comme devant un film en serbo-croate sans les sous-titres. Et pendant ce temps, les questions fusent dans notre esprit.

Pourquoi faire cohabiter sur une même scène des B-Boys qui se prennent hyper au sérieux, un tapageur bruiteur et une «hulla-hoop girl» d'Europe de l'Est? Rien contre le mélange des genres, pourvu que la fusion se produise naturellement. Et dans le cas de Maboul, les ingrédients de la recette résistent à se mélanger.

Oui, oui, je sais, il ne faut pas comparer les oranges avec les pommes... Mais je dois avouer que dans la vaste salle lavaloise où je regardais Maboul, j'ai été nostalgique de la délinquance intimiste «pour les 18 ans et plus» de La Clique. Par contre, la gamine de 10 ans assise à mes côtés s'amusait comme une petite folle. Tant mieux.

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Maboul, jusqu'au 20 juillet, à 20 h, à la salle André-Mathieu de Laval.