L'acteur Bill Cosby a été condamné à une peine de 3 à 10 ans de prison pour agression sexuelle. Compte rendu de la décision rendue par le juge Steven O'Neill, hier, en banlieue de Philadelphie.

La peine

Bill Cosby a été condamné pour avoir drogué et agressé sexuellement la Torontoise Andrea Constand, en 2004, dans sa maison en banlieue de Philadelphie. Hier en matinée, le juge Steven O'Neil a statué que l'acteur américain de 81 ans était un «prédateur sexuel violent». Il devra ainsi suivre une thérapie jusqu'à la fin de sa vie, se présenter régulièrement devant les autorités et il sera inscrit au registre des délinquants sexuels. Plus tard dans la journée, le juge de la Pennsylvanie a aussi ordonné une peine de 3 à 10 ans de prison pour Bill Cosby.

Ainsi, Bill Cosby pourra formuler une demande de libération conditionnelle après au moins trois ans de détention, requête qui sera examinée par une commission spéciale. Si elle est rejetée, il pourra renouveler sa requête, mais sera susceptible, si toutes ses demandes sont rejetées, de passer 10 ans en prison au total.

Dès le prononcé, le principal avocat du créateur et comédien éponyme du Cosby Show a indiqué qu'il allait faire appel et a demandé que son client soit laissé en liberté sous caution dans l'attente de l'examen de cet appel. Une demande rejetée par le magistrat. Immédiatement après, Bill Cosby est sorti menotté de la salle d'audience, en bras de chemise et portant ses célèbres bretelles. - Avec l'Agence France-Presse

L'avis d'un expert

L'avocat criminaliste Jean-Claude Hébert note qu'il ne serait pas étonnant que Bill Cosby en appelle du jugement et que le juge décide alors de le laisser en liberté jusqu'à ce que les procédures d'appel soient conclues. «Et si les procédures d'appel prennent deux ans, ce qui n'est pas extraordinaire comme délai, il sera rendu à 83 ans. Son état de santé risque peut-être de se détériorer. Est-ce que ça pourrait être un facteur pertinent à faire valoir auprès de l'organisme qui s'occupe des libérations conditionnelles? Sans doute», explique-t-il.

AP

Cette photo de Bill Cosby a été prise peu après le prononcé de sa sentence, par l'établissement pénitentiaire du comté de  Montgomery.

Pouvons-nous parler d'une première victoire judiciaire dans l'ère #metoo? Jean-Claude Hébert n'irait pas jusque-là. Il rappelle qu'il s'agit d'un mouvement mondial et que des personnes méconnues du public ont aussi - dans la foulée - dénoncé celui qui les aurait agressées. Ainsi, il ne s'agit peut-être pas d'une première victoire. «Mais je suis convaincu, et je ne veux pas dire des méchancetés contre les juges, mais je suis convaincu que dans leur subconscient, lorsqu'ils entendent des causes d'agression sexuelle, ça peut être un facteur [le mouvement #metoo] qui peut les influencer sans qu'ils s'en rendent compte.»

Résumé de l'affaire

Même si une soixantaine de femmes ont confié publiquement avoir été agressées sexuellement par la vedette américaine, Andrea Constand est la seule dont la cause s'est rendue devant les tribunaux. En juin 2017, le premier procès s'était soldé par une annulation, puisque le jury n'était pas parvenu à un verdict unanime après 52 heures de délibération. Dans la foulée du mouvement #metoo, plus précisément en avril dernier, le deuxième procès s'est ouvert et l'acteur a été reconnu coupable de trois chefs d'accusation. Il restait ensuite au juge Steven O'Neil à déterminer sa peine, ce qu'il a fait hier.

Qui est Andrea Constand?

La victime, Andrea Constand, dirigeait l'équipe féminine de basketball de l'Université Temple à Philadelphie lorsqu'elle a rencontré Bill Cosby, membre du conseil d'administration de cette université américaine. En janvier 2004, il l'a invitée chez lui et il l'a agressée. Deux ans plus tard, dans le cadre d'un accord à l'amiable, l'acteur a dû lui verser une somme de près de 3,4 millions US (environ 4,4 millions CAN). Ce n'était toutefois pas la fin de cette histoire, puisqu'en 2015, un procureur a décidé de rouvrir le dossier pénal, qui a mené à la condamnation de Bill Crosby.

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Chelan Lasha

Hier, la Canadienne de 45 ans, a écrit une longue déclaration où elle explique son parcours de vie, sa version de l'histoire et les sentiments qui l'habitent. Elle écrit entre autres: «Lors de la déposition au procès civil, j'ai dû revivre tous les moments de l'agression sexuelle, avec des détails horribles, devant M. Cosby et ses avocats. J'ai de nouveau été traumatisée et j'ai énormément pleuré. Je devais regarder Cosby faire des blagues, tenter de me dégrader et me diminuer, alors que ses avocats se moquaient de moi. Mon sentiment de honte et d'impuissance s'est aggravé, et à la fin de chacune de ces journées, j'étais épuisée».

Un modus operandi criminel

Parmi la soixantaine de femmes qui ont accusé publiquement Bill Cosby, elles sont nombreuses à raconter que leur présumé agresseur leur a donné des médicaments avant de les agresser, comme ce fut le cas d'Andrea Constand. Heidi Thomas, une des cinq accusatrices qui a été entendue au deuxième procès, a raconté qu'elle avait été droguée et agressée dans un ranch où elle se trouvait avec l'acteur en 1984. En cour, elle a dit: «Je veux voir un violeur en série condamné.»

De retour sur scène en janvier dernier

En 2014, avec toutes les allégations contre Bill Cosby, des diffuseurs ont annulé des émissions qui le mettaient en vedette et des universités lui ont retiré des diplômes honorifiques, dont l'Université Temple à Philadelphie. Dans la foulée du scandale, l'humoriste avait également dû annuler une série de spectacles. Et puis, en janvier dernier, entre les deux procès, alors que ça faisait quelques années qu'il n'était pas monté sur scène, il a participé à un hommage à feu Tony Williams. Au LaRose Jazz Club de Philadelphie, Bill Cosby a joué de la batterie et a fait de l'humour. Selon le Philadelphia Inquirer, il n'aurait pas poussé l'audace jusqu'à parler des accusations qui pesaient contre lui.

AFP

Andrea Constand affichait un sourire lors de sa conférence de presse, mardi, à Norristown.