Longtemps considérée comme perdue, une cantate signée en commun par le compositeur autrichien Wolfgang Amadeus Mozart et le musicien italien Antonio Salieri a retenti mardi à Prague après plus de deux siècles de silence.

Cette oeuvre datant de 1785, récemment retrouvée dans les collections du Musée de la musique à Prague, «constitue une clé pour une nouvelle compréhension de la relation entre Mozart et Salieri», a expliqué à l'AFP le musicologue et compositeur allemand Timo Jouko Herrmann, à qui revient le mérite de la découverte.

«Autant que je sache, c'est la seule pièce écrite ensemble» par les deux compositeurs, affirme M. Herrmann.

Loin de la légende attribuant la mort du génial Mozart à un Salieri médiocre et envieux, ils étaient des «collègues qui travaillaient ensemble», assure-t-il.

La cantate Per la ricuperata salute di Offelia (Pour la santé retrouvée d'Ophélie) a été écrite en commun par les deux hommes avec un certain Cornetti, sur les paroles du librettiste et poète italien Lorenzo Da Ponte.

La composition salue le rétablissement de la soprano anglaise installée à Vienne Nancy Storace (1765-1817), ayant alors souffert d'indisposition pendant quatre mois.

Offelia est le nom d'un personnage de l'opéra de Salieri La grotta di Trofonio, interprété par la cantatrice, future Suzanne dans les Noces de Figaro (1786) de Mozart.

«Nous ne savons rien sur ce Cornetti. Il était un compositeur amateur, peut-être un ami de la cantatrice, peut-être son mécène», a indiqué M. Herrmann.

Cornetti et Salieri ont mis en musique chacun une strophe du poème de Da Ponte, et Mozart est auteur des deux strophes restantes de cette oeuvre écrite en une semaine.

Les noms cryptés

Référencée K477 dans l'inventaire chronologique des oeuvres de Mozart, ce chant de joie, d'une durée d'environ quatre minutes, a été exécuté mardi par le claveciniste Lukas Vendl, lors de la présentation officielle de l'oeuvre.

«Il est vrai que le passage écrit par Mozart est, disons, plus ingénieux et plus dramatique, et les deux autres couplets sont plus lyriques. Mais il n'est pas possible d'en déduire que l'un ou l'autre était un meilleur compositeur», a dit M. Vendl à l'AFP.

À l'époque, les partitions de la cantate étaient distribuées par un marchand de musique viennois, Artaria et Comp. La copie de Prague est la seule qui soit conservée jusqu'à ce jour.

Elle se trouvait au Musée de la musique de la capitale tchèque depuis les années 1950, mais n'avait pu être correctement identifiée. Elle l'est maintenant, grâce à de nouvelles technologies, et les noms cryptés des auteurs ont été déchiffrés et identifiés: Mozart, Salieri et Cornetti.

«C'est Timo Jouko Herrmann qui a déterminé le caractère unique de cette oeuvre», a souligné le musée dans un communiqué.

«À l'époque, le cryptage des noms n'avait rien d'inhabituel», a indiqué le musicologue allemand.

L'un des plus grands génies musicaux de tous les temps, Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), a séjourné à plusieurs reprises à Prague, les pays tchèques faisant à l'époque partie de l'empire autrichien.

Le 29 octobre 1787, Prague a chaleureusement applaudi la première de son célèbre opéra Don Juan, pas trop apprécié à l'époque des Viennois, et dont le livret a été également écrit par Lorenzo Da Ponte (1749-1838).

Une image erronée de Salieri

Une rumeur, rejetée par les spécialistes, selon laquelle Salieri (1750-1825) aurait orchestré la mort de Mozart dont il jalousait le génie, est due à la nouvelle Mozart et Salieri du poète et romancier russe Alexandre Pouchkine (1799-1837).

Elle a été reprise d'abord par le dramaturge anglais Peter Shaffer pour sa pièce Amadeus, puis par le réalisateur américain d'origine tchèque Milos Forman, pour son célèbre film portant le même titre.

Tourné à Prague, Amadeus avec Tom Hulce dans le rôle de Mozart et Murray Abraham interprétant Salieri, a obtenu huit Oscars en 1985.

«Nous connaissons tous le film Amadeus. Salieri y est présenté de manière erronée. Il n'a pas empoisonné Mozart, les deux compositeurs se rencontraient et collaboraient régulièrement à Vienne», souligne Ulrich Leisinger, de la Fondation internationale Mozarteum de Salzbourg.