«Ça fait du bien...» Susie Arioli est allée se faire dorloter à Toronto et elle a aimé. Oh! pas dans un spa avec massage suédois et bains de sel d'Epsom, mais dans un studio d'enregistrement d'où elle est repartie avec Spring, son neuvième CD qu'elle lance, bien sûr, en ce début d'automne...

«Je n'avais jamais travaillé avec des musiciens plus vieux que moi», dira d'abord la chanteuse montréalaise (mais originaire de «T.O.») en parlant de cette «aventure merveilleuse» dont elle est revenue transformée.

Transformée d'abord comme artiste qui avait parfois tendance à hésiter. «J'étais là, entourée de tous ces vétérans, des gars de 60 ans pour la plupart, qui connaissent la spécificité des genres et la façon de marier le jazz et la pop. Pour une fois, je pouvais être la petite tannante et m'abandonner.»

S'abandonner à la recherche d'elle-même et de son art. Explorer des avenues nouvelles comme musicienne et, plus vastement, comme créatrice.

«Quand j'ai demandé à John Snyder de réaliser ce disque, j'avais quelques idées, comme arriver à plus de contraste entre les textes et les musiques, par exemple.»

Et, dans le processus du choix des pièces et de leur équilibrage dans une oeuvre cohérente, Susie Arioli l'interprète s'est retrouvée, à la suggestion de Snyder, à faire ce qu'elle n'aurait jamais cru faire: écrire des chansons. Paroles et musique, pour quatre des 12 pièces de Spring, dont la chanson-titre. Traduction libre: «Je ne suis pas folle du printemps/Ni des oiseaux dans les arbres fleuris/Comment crier mon bonheur/S'il n'est pas fou de moi.»

«Je ne voulais pas d'un album triste, ni d'une affaire hop-la-vie», précise la jazzwoman. Elle voulait plutôt des chansons qui, selon le moment où on les écoute, nous inspirent tantôt la joie, tantôt la tristesse. «Comme la vie elle-même...»

Contrastes, aussi, entre Dearest Darling, que le pianiste et arrangeur Don Thompson a voulue presque funky, et la bossa de Someone Else, de madame Arioli. Entre les pas feutrés d'Evening (T-Bone Walker, 1945) où l'orchestre de neuf musiciens fait entendre toute sa magistrale cohésion, et Those Lonely, Lonely Nights dont l'interprétation s'aligne sans broncher aux côtés de celles de B.B. King et de Doctor John.

La Susie Arioli classique, si l'on peut dire, celle que l'on a connue avec le guitariste Jordan Officer, apparaît dans Can't Say No, sa composition où l'accompagne l'élégant Reg Schwager, un guitariste d'une grande subtilité.

«Je n'étais pas prête à abandonner complètement la guitare», dira Susie Arioli, qui s'est aussi fait connaître comme percussionniste aux côtés de Jordan Officer, qui a joué sur tous ses albums précédents.

Le printemps en hiver

Ici, pour la première fois, elle a dû s'habituer à la présence du piano qui, elle l'avoue d'emblée, la dérange. Avec tout ce potentiel, tant rythmique que mélodique, qui laisse moins de place à la chanteuse... et à la batteuse, pour ne pas dire la battante.

Reverrons-nous Susie Arioli s'accompagner à la caisse claire? «Sûrement si, au cours de la prochaine tournée, on décide de faire un kitchen set...»

Dans le langage des musiciens, un «set de cuisine» - rien à voir avec la table et ses quatre chaises - est une partie du spectacle jouée en trio ou en quatuor acoustique. Certains appellent ce segment «feu de camp»...

La tournée Spring va commencer en hiver, mais, si le passé est garant du futur, elle se poursuivra au printemps et bien après... Susie Arioli est en train de recruter les musiciens qui l'accompagneront à compter du 31 janvier. Et qui seront juste plus jeunes que leurs collègues de Toronto; on parle de Paul Schrofel au piano, Jim Bland à la guitare et Allan McLean au saxophone.

Rien que des cracks pour accompagner une Susie Arioli qu'on a vue rayonnante, dans la moindre volonté, il nous a semblé, de devenir moins tannante... «And that's it, patate frite!»

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JAZZ. SUSIE ARIOLI. SPRING/SPECTRA MUSIQUE.