Diana Krall était belle à voir, hier soir à Wilfrid-Pelletier. Et à entendre même. On a su bien avant qu'elle ne l'avoue et se mette à tousser, dès la toute première chanson de la soirée en fait, qu'elle était enrhumée. Mais ça n'a surtout pas gâché le plaisir de ses fans auxquels elle a réservé plus d'une surprise.

On se doutait que ça ne serait pas un concert comme les autres après une seule écoute de son récent album Glad Rag Doll dans lequel, avec le réalisateur T Bone Burnett, elle a apprêté des standards des années folles avec une touche de modernité, plus blues, plus rock, très sentie.

On a perçu hier que la dame de Nanaimo s'était servi de cet album comme d'un tremplin pour s'autoriser toutes les audaces sans pour autant se dénaturer. Plus encore que sur le disque, There Ain't No Sweet Man That's Worth The Salt of My Tears avait quelque chose d'insoumis, de joyeusement rebelle. «Bing Crosby l'a chantée, mais je ne sais pas s'il la reconnaîtrait aujourd'hui», a dit la pianiste avant de se laisser entraîner dans un blues aussi énergique que torride par le solo vitaminé du guitariste Aram Bajakian.

On n'avait encore rien entendu. Temptation, qu'elle a empruntée à deux de ses auteurs de chansons préférés, Tom Waits et Kathleen Brennan - mon mari est au sommet de mon palmarès des songwriters, a-t-elle aussitôt ajouté - n'avait plus rien à voir avec la version qu'elle en faisait en 2004. C'était désormais une chanson fiévreuse, possédée, magnifiquement écorchée par les interventions successives du guitariste Bajakian et du violoniste Stewart Duncan.

Dans cet étonnant concert de tous les possibles, Miss Krall passait sans difficulté aucune de chansons vieilles d'un siècle à des emprunts à l'idole Nat Cole, mais aussi à un coup de chapeau à Neil Young: A Man Needs a Maid jumeléeà Heart Of Gold. Ce qu'elle a fait seule au piano après avoir donné congé à ses cinq excellents musiciens pour une vingtaine de minutes.

Le décor de vaudeville, le clip du maître de piste Steve Buscemi sur When The Curtain Comes Down en tout début de soirée et les films muets qui ont suivi sur l'écran derrière n'excluaient donc pas des chansons de toutes les époques. Quand il a fallu partir écrire, Diana Krall lançait le rappel en jouant au piano quelques mesures de Folsom Prison Blues de Johnny Cash, dont c'était l'anniversaire. Puis, elle enchaînait aussitôt avec Ophelia de The Band!

Que dire de plus sinon qu'il faut espérer qu'on nous ramène au plus vite ce concert dans lequel Diana Krall nous prouve de la plus belle des façons que son univers musical n'a pas de frontières.