Il y avait le hockey? Et puis après? Personne au Théâtre Maisonneuve n'aurait troqué sa place pour un match du Canadien.

On peut comprendre. C'était le premier concert solo montréalais de Donald Lautrec depuis... depuis... depuis quand au juste? Pour être honnête, on ne s'en rappelle même pas, tellement ça fait plus de 30 ans.Autant dire qu'il y avait quelque chose de spécial dans l'air, mardi soir, quand le chanteur s'est pointé sur scène, avec ses sept musiciens et deux choristes. Suite attendue de son grand retour à la chanson, amorcé l'automne dernier avec l'album À jamais, ce spectacle avait de vraies odeurs de retrouvailles.

Le public, majoritairement féminin (il y a des choses qui ne changent pas!), n'a d'ailleurs pas tardé à se manifester. Dès la première chanson (Alleluia/Les fleurs du soleil), les cris ont fusé et les madames se sont levées.

L'ami Donald devait être vachement nerveux en dedans, mais la glace était brisée. Rien de tel qu'un vieux succès pour se remettre dans le coup. Vêtu de noir, arborant son éternelle moustache, l'interprète a vite enchaîné avec une chanson de son dernier disque (Mon dernier slow), histoire de bien montrer qu'il n'allait pas se limiter à un show nostalgique.

Les nouvelles chansons ont d'ailleurs occupé une bonne partie du spectacle. C'est un choix respectable et compréhensible, pour un artiste qui a toujours voulu être de son temps. Mais ça ne l'a pas empêché de nous resservir aussi tous ses tubes avec un plaisir manifeste.

«Ne vous inquiétez pas, je vais toutes les faire», a lancé le chanteur d'entrée de jeu, dans une de ses (trop) rares jasettes de la soirée.

De fait, Lautrec a ratissé toute sa carrière depuis le début des années 60.

Retour sur sa période folk rock avec Le soleil est parti et Le mur derrière la grange, clin d'oeil à son époque yéyé avec un pot-pourri particulièrement relevé (Loop de loop, Tu dis des bêtises, Un jour un jour, Loin dans ma campagne), sans oublier les incontournables Manon, viens danser le ska et, surtout, Éloïse et Hosannah, ballades soul psychédéliques livrées dans l'effervescence du rappel. Brillante idée, par ailleurs, de nous servir à l'entracte trois vieilles pubs télé particulièrement délicieuses où Donald tenait la vedette. Nervine pour le mal de tête, vous connaissez?

C'est peut-être ce qu'on a préféré de ce spectacle mis en scène par Mouffe: un certain troisième degré qui en disait long sur la saine distance qu'entretient le chanteur avec sa gloire passée.

Ce qu'on a moins aimé? Pas assez de blabla, pour quelqu'un qui en a tant à raconter. Et surtout, un enchaînement pas toujours à point. Si la première partie était irréprochable, la seconde mériterait quelques ajustements. Mauvaise idée de caser Mon univers, une nouvelle toune techno-rock plutôt ordinaire, entre le Jour du dernier jour, (version française de A Whiter Shade of Pale de Procol Harum) et Manon, viens danser le ska. Ça cassait complètement l'ambiance.

Pour le reste, allons à l'essentiel. Donald Lautrec était fidèle à lui-même. Attitude rock, présence mâle, honnêteté et charisme. Et la voix? Étonnante. Lautrec ne sera jamais Ginette Reno, mais le mec en a toujours dedans et il met du «senti» quand il chante. Ce fut peut-être là la vraie grosse surprise de ce retour globalement convaincant. Pari relevé.

Et les groupies?

Elles faisaient la file pour un autographe. Nous avons recueilli leurs commentaires émoustillés à la fin du spectacle.

Sonia: «Quelle voix, mûrie, chaude. Ça m'a fait pleurer...»

Samantha: «Après cinq minutes, j'avais les paumes qui brûlaient. C'est ma mère qui me l'a fait connaître, mais c'est moi qui l'ai amenée ce soir!»

Lucette (la maman). «Je m'en souviens depuis Jeunesse d'aujourd'hui. Mais je ne l'avais jamais vu sur scène. Toujours bel homme. Voix magnifique, portante...»

Samantha (décidément allumée). «Moi, je dirais enivrante! Regarde mes mains, elles tremblent encore...»