La pandémie avait laissé Albin de la Simone sans mots, d’où Happy End, album instrumental lancé en 2021. Peu à peu, il a retrouvé sa voie dans l’écriture et, sur Les cent prochaines années, c’est avec un plaisir teinté de confort qu’on renoue avec sa voix et sa manière douce.

Musicien d’abord, auteur ensuite, Albin de la Simone a déjà raconté qu’il ne faisait ses propres chansons que parce qu’il avait en lui ce goût de l’écriture. Sans ça, il aurait sans doute continué à accompagner d’autres créateurs – il a notamment joué avec Salif Keita et Vanessa Paradis – ou à réaliser les chansons des autres, ce qu’il a fait pour des gens comme Pierre Lapointe, Carla Bruni, Pomme ou Miossec.

Or, quand la pandémie est arrivée, le jeune quinquagénaire n’a plus eu envie d’écrire des chansons. Du tout. « Je n’en voyais pas l’intérêt et je ne voyais pas l’intérêt d’en écouter non plus : entendre quelqu’un me raconter des choses de son intimité était à l’opposé de ce que je ressentais, dit-il, en vidéoconférence avec La Presse. J’avais juste envie d’entendre de la musique douce, quelque chose de réconfortant. »

Alors, pour la première fois de sa vie, il a fait des chansons sans paroles, qu’il a rassemblées sur un disque intitulé Happy End (2021). Deux ans plus tard, il constate que cette expérience l’a libéré. Trois des chansons de son disque Les cent prochaines années sont construites sur des musiques enregistrées sur son album précédent : Merveille (qui n’a pas changé de titre), Ta mère et moi (sur le thème du Chalet) et Pars (Il pleut). C’est-à-dire qu’il est parvenu à mettre des mots sur des mélodies existantes, ce qui ne lui était jamais arrivé.

L’écriture me fait vivre un sentiment d’échec permanent : c’est toujours nul, sauf les petits moments où c’est bien, juste Albin de la Simone. Mon rapport à la musique est plus simple, plus fluide.

Albin de la Simone

« J’ai toujours écrit les textes en premier parce que je suis sûr que le musicien qui va passer après – c’est-à-dire moi – est assez souple pour s’adapter au texte. En fait, le texte va me chanter la mélodie. »

Un romantique ?

Les cent prochaines années ne s’articule pas autour d’un fil net. Il y a des chansons d’amour (la très belle Merveille), de rupture (Pars), des moments de découragement (Ta mère et moi), une nostalgie du passé (Petit petit moi) et des envies de plénitude (Avenir). Des choses que le façonneur de chansons français aborde sous l’angle de la douceur et pose sur des musiques aux atours solennels. Il se dégage de ce disque quelque chose de romantique.

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Albin de la Simone, dont bien des chansons ont un sourire en coin, serait-il au fond romantique ? « J’aurais tendance à dire non, mais en même temps, mon écriture est quand même animée par des élans excessifs », reconnaît-il.

Évoquer les 100 prochaines années ou cette idée de fusionner avec la forêt, c’est surréaliste, c’est romantique, ou c’est d’un romantisme surréaliste… Mais c’est vrai que dans ce disque, il y a des élans puissants, des envies de décoller un peu.

Albin de la Simone

Ces « élans », son réalisateur Sage, du groupe Revolver, et lui ont voulu les souligner musicalement. « On peut faire ça avec des cordes, des synthés ou des cuivres, établit le musicien, qui est lui-même habile arrangeur et réalisateur pour les autres. J’avais envie que les cuivres aient une forte présence. Qu’ils ne soient pas là quand je chante et que, quand j’arrête de chanter, on leur laisse la place. »

Les cent prochaines années, sur lequel joue le batteur Robbie Kuster (Patrick Watson, Marie-Pierre Arthur, Yannick Rieu), est le premier des disques d’Albin de la Simone qu’il ne réalise pas lui-même. « Sage est très, très à l’écoute. Il a sa patte, mais il n’est pas étouffant, dit-il. Il a amené des choses qui font que j’ai une petite sensation d’exotisme face à mon disque. » L’aveu est suivi d’un léger sourire amusé.

Après ses retrouvailles sur disque, Albin de la Simone espère renouer avec son public québécois. Il vient régulièrement à Montréal pour travailler en studio avec des artistes d’ici (il sera aux commandes du prochain disque de Beyries), mais aimerait bien sûr présenter ses nouvelles chansons en concert. Il attendait justement des nouvelles des Francos au moment de son entretien avec La Presse. On croise les doigts…

Les cent prochaines années

Chanson

Les cent prochaines années

Albin de la Simone

VF Musiques/Tôt ou Tard